Le CRIF en action
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Publié le 6 Septembre 2012

Allocution de Richard Prasquier, président du CRIF, prononcé lors de la cérémonie de commémoration de l’attentat anti-israélien de Munich

Comite Olympique, mercredi 5 septembre 2012.

 

A ceux qui ont milité pour qu’un événement mémoriel ait lieu qui rappelle l’horreur des attentats de Munich, je voudrais ici exprimer ma reconnaissance en m’excusant de ne pas les citer nominalement. 

Du plus haut niveau de l’Etat, de la part des élus de tous les partis, depuis le Maire de Paris jusqu’aux simples citoyens, de nombreuses personnes ont exprimé leur soutien à notre initiative et nous ont remerciés de l’avoir prise. Cela nous a confirmé qu’elle s’imposait d’évidence et je remercie moi-même tous ceux qui en ont manifesté le même besoin que nous.

 

Au moment où nous réunissons, une grande cérémonie, en présence des familles des athlètes, a lieu à l’aéroport de Munich, là où a eu lieu le massacre. Car il s’est agi d’un massacre qui a suivi les premiers meurtres, accompagnés de mutilations atroces, survenus le jour de l’attaque, ce 5 septembre 1972.

 

Pourquoi ne pas nous contenter de cette cérémonie de Munich? Après tout, ni Paris, ni la France n’ont joué de rôle particulier dans ces événements terribles…

 

Paris, on le sait, c’est le berceau de l’Olympisme. En juin 1894, Coubertin y a organisé à la Sorbonne le premier Congrès Olympique. Curieusement, c’est à Paris aussi, six mois plus tard, que Théodore Herzl entendra les cris de haine contre le capitaine Dreyfus et les Juifs, qui le conduiront à écrire son livre sur l’Etat des Juifs.

 

Et c’est à Paris aussi que nous avions appris la nouvelle de l’action terroriste. Pour moi, j’étais interne en médecine à l’Hôtel Dieu. Aujourd’hui encore, le souvenir de ces jours brûle encore dans ma mémoire. Je ne savais pas jusqu’à la semaine dernière, qu’il brûlait bien plus encore chez mon amie Muriel Schor, qui ne m’en avait rien dit jusqu’au moment où elle a reçu l’invitation à venir.

 

1936, les Jeux d’été de Berlin. 1972, les Jeux d’été de Munich devaient officialiser le retour à la normale de l’Allemagne après guerre. Les souvenirs étaient encore vivaces, et c’est avec émotion que nous avions su que le drapeau d’Israël s’était déployé à l’inauguration sur la terre où avaient régné les pires ennemis des Juifs. Arrive alors cette nouvelle dramatique, puis cette fin sous forme de tragédie grecque.

 

Survient alors cette conclusion d’une insupportable concision : les Jeux doivent se poursuivre...

 

Les enjeux étaient trop importants pour être déroutés par l’actualité aussi tragique qu’elle fût : il y  avait les retombées économiques, il y avait les vies d’athlètes organisées dans le désir de se surpasser au cours de cette compétition unique, mais il y avait aussi l’incoercible désir de spectacle de nos sociétés. Panem et circenses…..Que la fête continue…

 

Mais voilà, il se trouvait que les athlètes assassinés étaient juifs, que trente-six ans auparavant, les jeux de Berlin avaient été utilisés pour glorifier le nazisme et pour banaliser l’exclusion des Juifs et que cela avait été fait avec la complaisance de certains dirigeants du sport international qui se trouvaient encore aux commandes lors des jeux de Munich.

 

Chacun connaît la trêve olympique sur laquelle d’ailleurs l’histoire nous dit finalement peu de choses précises. Mais l’utopie de Pierre de Coubertin est un magnifique objectif.

 

Je suis sûr que les athlètes israéliens assassinés en étaient pénétrés.

 

Je suis moins sûr, et je parle ici par litote, que tous aujourd’hui partagent cette utopie et que tous les athlètes en soient les porteurs. Des Etats qui refusent que leur équipe rencontre une équipe israélienne, des athlètes qui préfèrent être disqualifiés et revenir en héros dans leur patrie, plutôt que d’affronter des concurrents israéliens, des chaines de télévision qui coupent la transmission de leur reportage au moment où défile l’équipe israélienne…

 

Non, malheureusement, l’invocation de la paix olympique relève souvent plus de l’incantation que de la réalité. L’idéal de Pierre de Coubertin doit absolument être préservé. Mais il doit l’être dans une lucidité sans faiblesse. Car malheureusement c’est souvent en prétendant qu’on  ne fait pas de politique que l’on donne le pire des messages politiques, celui de l’aveuglement et de la soumission à l’intolérance et à la violence.

 

Il en est du sport comme de la langue d’Esope, ce peut être la plus belle école de vie et de dépassement de soi, ce peut être le réceptacle et l’amplificateur des haines et des violences envers les autres. En l’an 532, sous Justinien, une révolte éclata entre factions rivales à l’hippodrome de Byzance : il y eut, dit-on, 30 000 morts.

 

Les fléaux du racisme et l’antisémitisme mettent certains sports en danger. A nous tous de lutter pour que partout le sport, qui fournit une bonne partie des modèles d’imitation si importants pour l’édification d’une jeunesse, soit synonyme de camaraderie, d’ouverture et de loyauté et que les appétits politiques s’en éloignent autant que possible.

 

Mais on ne bâtit rien sans le socle de la mémoire. C’est pourquoi nous n’oublierons pas l’engagement sans réserve dans la réalisation de cette cérémonie du Comité Olympique français, présidé par Denis Messaglia, présent ici avec tout son bureau exécutif et de nombreux responsables sportifs. Le lieu de la commémoration ne pouvait pas être plus symbolique. Les athlètes israéliens assassinés ont désormais leur place dans la mémoire du mouvement olympique français : Moshe Weinberg, Yossef Romano, Yossef Gutfreund, David Berger, Mark Slavin, Yakov Springer, Amitzur Shapira, Zeev Friedman, Eliezer Halfin, Andrei Spitzer, Kehat Schor.

 

Nachum Rogel est venu ici représenter le sport israélien dans sa continuité.  Il a participé en triple saut aux jeux de Barcelone en 1992, d’Atlanta en 1996 et de Sydney en 2000, où il a été le porte-drapeau d’Israël.

 

Merci de lui accorder vos applaudissements.

 

Je vous remercie.