Francis Kalifat

Ancien président

Mon discours lors de la commémoration du Soulèvement du ghetto de Varsovie - 2022

25 Avril 2022 | 319 vue(s)
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Actualité

Il y a six ans (ndlr. : cet article a été rédigé en mars 2018), en mars 2012, à Montauban et Toulouse, sept vies ont été fauchées par un terroriste islamique, donc je me refuse à rappeler le nom.

Le 33ème Dîner du Crif a eu lieu mercredi 7 mars 2018.

Au théâtre de l'Atelier, Le livre de ma mère réveille les souvenirs et sublime la relation la plus sincère qui est donnée à l'homme de connaître.

Vendredi 23 février, j'ai rencontré Tomasz Młynarski, Ambassadeur de Pologne en France.

La première djihadiste française capturée à Mossoul par les forces irakiennes en juillet 2017, Mélina Boughedir, a été condamnée, lundi 19 février, à sept mois de prison pour l’entrée illégale en Irak. La cour pénale de Bagdad a ordonné la remise en liberté et l’expulsion en France de la jeune femme de 27 ans, sa peine étant couverte par sa détention préventive, rapporte Le Monde du 19 février. Qui sont ces femmes désintégrées, déstructurées et aveuglées par la propagande développée par les djihadistes et qui ont été des proies faciles. C'est ainsi qu'elles se sont déshumanisées et ont participé à cette orgie barbare et moyenâgeuse qu’est le djihadisme.

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"On s'est dit au-revoir. C'était un au-revoir mais qu'y avait-il derrière cet au-revoir ?"

Dans leur numéro de janvier, le magazine Youpi, destiné aux enfants de 5 à 8 ans, a clairement laissé entendre à ses jeunes lecteurs qu' "Israel n'était pas un vrai pays".

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Mardi 19 avril 2022, le Crif et le Mémorial de la Shoah ont organisé une cérémonie virtuelle pour commémorer le 79ème anniversaire du Soulèvement du ghetto de Varsovie. Un moment très émouvant lors duquel nous avons rendu hommage aux Hommes qui se sont soulevés pour leur liberté.

"Nous sommes réunis aujourd’hui pour commémorer le 79ème anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, et rendre hommage aux combattants héroïques devenus des héros de la résistance juive contre les nazis.

Je veux d’abord rappeler la mémoire d’un homme d’exception digne héritier de ces combattants. Un homme dont l’existence fut au sens propre extraordinaire, jalonnée d'événements hors norme et en prise avec l’histoire la plus douloureuse du peuple juif, la Shoah.

Raphaël Esrail, fut arrêté comme résistant et déporté à Auschwitz comme juif. Président de l’Union des Déportés d’Auschwitz, il a porté jusqu’au bout avec force la parole des victimes de la barbarie nazie. Sa disparition en janvier dernier laisse un vide immense. Son combat pour la mémoire et son inlassable action nous obligent.

En Septembre 1939, après l’invasion allemande, la Pologne a vu son territoire éclaté entre l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique. Dans la partie centrale qui deviendra « le Gouvernement général de Pologne », sous domination nazie vivaient 1,5 million de Juifs.

Dès novembre 1940, les 360 000 Juifs de Varsovie, sont parqués et entassés dans ce qui deviendra le ghetto de Varsovie.
En 1941 ils seront, près de 450 000, victimes de pénurie, de famine et de nombreuses maladies.

En juillet 1942 est créée l’Organisation Juive de combat, au sein de laquelle se sont regroupés plusieurs mouvements de jeunesse qui commencèrent à construire des bunkers et à se procurer des armes.

La date n’est pas anodine, la création de l’OJC a lieu lors de l’Aktion Reinhard au cours de laquelle entre juillet et septembre 1942, 300 000 Juifs de Varsovie ont été déportés vers Treblinka.

Ceux qui avaient pu échapper à la déportation savaient que l’avenir écrit à l’encre noire et dans la langue nazie, ne leur laissait aucune chance de survie.

Aussi, devant l’horreur de la fatalité, les membres de l’OJC ont uni leurs forces, avec celles de l’ensemble des mouvements de résistance présents dans le ghetto dans un ultime combat, débuté le jour du premier seder de Pessah, il y a 79 ans jour pour jour, le 19 avril 1943, quand fut prise par les nazis la décision de liquider le ghetto de Varsovie.

Si les troupes allemandes ne mirent que quelques jours à briser la résistance militaire, les combattants survivants purent se cacher et continuer de livrer bataille pendant presque un mois.
La résistance à l’intérieur du ghetto s’éteignit le 8 mai avec la mort de son chef Mordehaï Anielewicz dans le bunker du 18 de la rue Mila.

C’est seulement le 15 mai 1943, après la destruction de la grande synagogue, que le général SS Jürgen Stroop écrit à Berlin : « Le quartier Juif de Varsovie n’existe plus. »

Le ghetto n'est plus qu'un champ de ruines.

N’oublions jamais le courage héroïque de ces combattants. N’oublions jamais la dignité qu’ils rendirent au peuple juif asservi.
« N’oubliez pas que cela fut » écrivait Primo Lévi.
Si l’issue de la révolte fut fatale, son impact fut grand. D’abord parce qu’il déstabilise les troupes nazies durant plusieurs jours, leur infligeant de nombreuses pertes humaines.
Ensuite, parce que le reproche qui fut souvent fait aux Juifs de ne pas s’être battus est balayé par cet exemple.

Les combattants juifs du ghetto, devenus de véritables héros de la Résistance, incarnent tous les révoltés des ghettos ceux Bialystok et Minsk, et ceux des centres de mise à mort avec la révolte des sonderkommandos de Treblinka, Sobibor et Auschwitz.

Cette commémoration du 79ème anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie prend place dans un contexte géopolitique particulièrement inquiétant.

Aux portes de l’Europe la guerre s’intensifie. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les images terribles que nous recevons nous renvoient à des temps que nous voulions croire révolus. Comme vous tous, je suis inquiet. Je pense aux victimes de ce conflit inédit. Je veux redire notre soutien et notre solidarité au peuple Ukrainien agressé.

En Israël le terrorisme islamiste a frappé à trois reprises en moins de 15 jours faisant 11morts et de nombreux blessés tous des civils. A leurs familles et à leurs proches je veux dire toute notre compassion et au peuple Israélien notre solidarité pleine et entière.

En France, partout dans le débat public, monte une musique identitaire, attaquant progressivement l’édifice de l’universalisme républicain que les Juifs en France ont toujours considéré comme leur meilleur allié.
Les analyses complotistes nauséabondes foisonnent. Ce même complotisme qui gangrène les esprits. Porté par la crise sanitaire, il est prétexte à tous les raccourcis et confusions historiques.
Nous le savons depuis de nombreuses années, l’antisémitisme ne présente pas un seul visage. Ses formes changent, s’associent, se renforcent et peuvent avancer masquées, y compris chez certains qui se disent humanistes et antiracistes. 
Il s’attaque aux vivants mais aussi aux morts. Il s’insinue sur nos murs, défigure nos bâtiments et nos rues, et profane nos cimetières. Ni circonscrit ni localisé il peut frapper n’importe où.

Avec d’autres le CRIF alerte sur la radicalisation, le fondamentalisme et l’islamisme dont on sait la menace qu’ils représentent pour les Juifs et pour la France.

Mais le CRIF combat aussi les instrumentalisations diverses et les appels à la haine de l'ultra droite et de l'ultra gauche. Toutes ces atteintes, toutes ces menaces, toutes ces violences se déroulent dans un contexte où l’antisémitisme et l’antisionisme ont conquis un droit de cité planétaire.

En 2021, le Ministère de l’Intérieur et le SPCJ ont recensé 589 actes et menaces antisémites, en hausse de 75% par rapport à 2020. 73% de la totalité des actes antireligieux contre les personnes visent des Juifs. Voilà la réalité que vit moins de 1% de la population de notre pays.

Derrière ces chiffres, il y a des histoires d’agressions et de traumas, de vies inquiètes et retranchées, d’exodes vers des quartiers moins sensibles, de peurs pour ses enfants ou pour ses grands-parents.

L’antisémitisme ne se limite plus aux quartiers dits sensibles. Cela fait hélas bien longtemps qu’il frappe n’importe où, sans crier gare.

Le constat est implacable, la haine antisémite continue de gangréner notre société.

Resurgi depuis 20 ans, l’antisémitisme a été le signe prémonitoire d'un regain de haine et de violence dans notre pays : sexisme, homophobie, haine de la France, mais aussi une hostilité croissante contre les Chrétiens et les Musulmans.
Comme souvent dans l’histoire, si l’antisémitisme commence avec les Juifs, il ne s’arrête jamais aux Juifs et au-delà du danger, pour nous Juifs, c’est une menace pour la France toute entière, une menace pour la concorde et la paix dans notre pays.

Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle sont particulièrement inquiétants. S’ils montrent un affaiblissement du camp républicain et un renforcement dangereux des partis populistes d’extrême droite et d’extrême gauche, ils imposent au second tour une union républicaine pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir.

Il y va de nos libertés individuelles, de nos valeurs, de notre diversité sociale, de nos traditions et de la stabilité de notre pays.

Aucun calcul, aucun prétexte ne peut être invoqué pour échapper à notre responsabilité citoyenne face à un choix qui n’en est pas un.

Lorsque le CRIF alerte, dénonce ou exprime une inquiétude, il le fait certes au nom des Français juifs mais aussi dans l’intérêt de tous car l’enjeu n’est pas seulement celui des Français juifs mais la République !

Car à travers l’antisémitisme, c’est aussi la République et ses valeurs que l’on vise. C’est l’universalisme républicain que l’on menace.

Derrière ceux qui haïssent les juifs on retrouve souvent ceux qui haïssent la France.

De notre côté nous ne céderons rien des valeurs que nous portons et que nous défendons.

79 ans plus tard nous sommes là et nous nous souvenons.

Notre souvenir n'est pas que l'évocation d'une histoire qui fut.

Churchill disait : "Un peuple qui oublie son passé, se condamne à le revivre".  Alors n’oublions pas".

 

Francis Kalifat, Président du Crif