Jean-Pierre Allali
Parent 1-Parent 2 ? L’enjeu anthropologique (*)
Nous vivons décidément une drôle d’époque ! Des concepts fondamentaux qui datent de plusieurs millénaires et qui ont fondé et maintenu la société en place de manière harmonieuse, sont remis en question sous la pression de groupes LGBTQIAI+ (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, en questionnement (queer), intersexuel, asexualité, pansexualité (polyamour) , etc…). Fini le triptyque père mère enfant, papa, maman et leur gentil bébé. Voici venu le temps de parent 1, parent 2 et...
Sous l’effet conjugué de la doctrine du genre et de l’avancée technologique en matière de procréation humaine, un véritable chamboulement se prépare. La PMA, procréation médicalement assistée et la GPA, gestation pour autrui, s’installent. Et même des pays comme Israël où les religieux continuent de détenir une importance politique et sociale considérable, la nouvelle mode prend corps.
Le numéro 66 de la revue Pardès que dirige Shmuel Trigano nous propose la réflexion sur ce sujet essentiel de 18 intellectuels de renom, réflexion qui reprend les attendus d’un colloque qui s’est tenu les 17 et 18 mai 2020 à Tel Aviv, sous l’égide de l’association Dialogia.
Dans son introduction, pertinemment intitulée « Trouble dans la parente », Shmuel Trigano rapporte quelques anecdotes édifiantes ont celle-ci : À Ribeirao près de San Paolo au Brésil, une grand-mère donne naissance à son petit-fils conçu avec le sperme de son fils. Marcelo, homosexuel, qui rêvait d’avoir un enfant, a fécondé in vitro sa propre mère, Valdira. L’imbroglio générationnel est gigantesque. En effet, comme Valdira, a fait un enfant à son propre fils, cet enfant sera le fils de sa mère et son propre fils à lui. Ce fils est en même temps son frère, tandis que lui, Marcelo, devient le père de son frère !
Les 18 intervenants examinent la question sous ses aspects idéologiques, juridiques et anthropologiques. Leurs avis sont parfois divergents. Nidra Poller évoque des lendemains qui chantent faux, le docteur Michaël Wigoda examine , rappelant la position actuelle du droit français, navigue entre le droit israélien et le droit hébraïque, Mikhaël Benadmon évoque un effondrement des tabous.
Viviane Chetrit-Vatine examine sur la base de cas réels, l’incidence de ces « parentalités contemporaines » sur le mental et la psychologie des enfants concernés.
Monette Vacquin et Jean-Pierre Winter s’inquiètent que sous prétexte de ne pas blesser ou offenser un mouvement issu de minorités dans les minorités, on en vienne à admettre que « le mariage est une discrimination légale contre les citoyens fondée sur leur orientation sexuelle ».
« Faut-il à présent que les mots d’homme et de femme disparaissent aussi ? ». Ou encore : « Les citoyens français, bercés par les discours soporifiques sur l’amour et la générosité, et bernés par de supposées expertises qui affirment qu’il ne se passe rien, ont-ils pris conscience de la violence archaïque à l’œuvre dans l’effacement du père, de la mère, et de la naissance dans les documents relatifs à l’établissement de notre identité ? »
« Et l’enfant ?» dans tout cela se demande Monique Liberman qui expose le cas de patients qu’elle a examinés. Pour elle, « C’est l’enfant à naître qu’on prive de ses droits fondamentaux d’avoir une mère et un père et qu’on empêche de disposer à la naissance des éléments indispensables à son développement physique et psychique harmonieux ». Conclusion : « Ma réponse de pédopsychiatre est clairement NON ». « J’exprime ma très ferme opposition à une éventuelle législation qui nierait le droit le plus fondamental d’un enfant à avoir un père et une mère ».
Daniel Sibony nous parle, lui, de la « loi du marché » et conclut : « La présence du père ne relève pas d’un catalogue de bonne conduite, de bons comportements ou de bonnes paroles, elle est de l’ordre de l’irrépétable qui est un de nos modes d’accès à l’être, en tant que l’être c’est l’infini des possibles, et que par là il croise l’ordre du divin ».
Un numéro tout simplement éblouissant !
Jean-Pierre Allali
(*) N°66 de la revue PARDÈS. Sous la direction de Shmuel Trigano. Éditions In Press. Février 2021. 254 pages. 23 €.