Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Lectures de Jean-Pierre Allali - La Synagogue, par Joann Sfar

11 Janvier 2023 | 189 vue(s)
Catégorie(s) :
Opinion

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous à travers ces chroniques culinaires !

Bienvenue sur le blog La Chronique (pas tès casher) de Raphaëla ! Sur ce blog, Raphaëla vous propose ses billets d'humeur sur tout ce qui l'entoure, l'émeut, la touche, la fait rire et la révolte. Et elle a des choses à vous dire...

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La Synagogue par Joann Sfar (*) 

 

Le titre de cette énorme bande dessinée est trompeur car, tout compte fait, on y parle relativement peu de synagogue. À 49 ans, cloué au lit par la Covid-19, Joann Sfar se penche sur son passé. Il évoque son enfance, à Nice, sa mère trop tôt disparue, sa famille, ses amis. Pour ce qui est de la synagogue, il avoue qu’il n’aime pas trop assister aux offices avec son père et qu’au lieu de lire son livre de prières, il préfère jouer avec son Schtroumpf. L’occasion d’aller à la synagogue sans y pénétrer se présente un jour quand on lui propose de faire partie du service d’ordre. Chouette : aller à la synagogue mais en restant dehors. Et tant pis s’il vente ou s’il pleut. « Tout plutôt que faire la prière avec les autres Juifs ! Dieu existe… » Oui, Dieu existe ! La preuve, c’est qu’il a de l’humour : « Et que dès qu’il me regarde, il est content de sa blague : il a pris le Juif qui a toujours tout fait pour fuir la synagogue… et lui a offert la fortune grâce à un ouvrage intitulé Le chat du rabbin ». En tout état de cause, « je ne veux pas aller à la synagogue ! Ils crient trop fort, les Juifs ». Mais, lui rétorque son père, « Ce ne sont pas des cris, C’est des chansons » ;

Cela n’empêchera pas Joann Eliaou de faire sa bar-mitzvah !

Pour être vigile, le jeune Sfar doit s’initier aux arts martiaux : kung-fu, karaté, krav-maga, full-contact…

C’est qu’il faut se méfier des skinheads, de l’extrême droite, du GRECE, du Club de l’Horloge, des nazillons à la Faurisson et des antisémites de tous poils.

Joann Sfar évoque, au fil des pages, la colonisation de l’Algérie, pays que son père a quitté naguère en compagnie de son épouse et de ses quatre frères et sœurs, le conflit israélo-palestinien : « On a cependant observé ce phénomène étrange : plus il y avait d’attentats contre les Juifs dans le monde entier, plus les non-Juifs devenaient solidaires de la cause palestinienne… », les propos de Raymond Barre après l’attentat de Copernic, etc.

On suit la carrière de son père, grand avocat qui sera l’adjoint de Jacques Médecin à la mairie de Nice mais claquera la porte quand ce dernier aura rejoint Jean-Marie Le Pen.

Tout au long de l’ouvrage, des clins d’œil sont lancés en direction d’amis ou de personnages chers à son cœur. Voici Joseph Kessel, Jeff pour les intimes, voici aussi Romain Gary, Pratt, Wolinski, Jean-Jacques Rousseau, Lucien Samak, le Grand Rabbin Joseph Sitruk, Abba Kovner… On y trouve même notre amie Martine Ouaknine.

En fin d’ouvrage et pour étayer le texte de la bande dessinée, l’auteur nous propose une éphéméride établie par Tal Brutmann intitulé La météorologie antijuive, qui va du 11 mai 1972, date d’un colis piégé expédié aux époux Klarsfeld au 19 juin 2022 qui voit le Rassemblement national obtenir 89 sièges à l’Assemblée nationale et un florilège de coupures de presse sur les sujets traités dans cette étonnante bande dessinée.

À découvrir.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Dargaud, Septembre 2022, 204 pages, 25,50 €.