Jean Pierre Allali

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Lectures de Jean-Pierre Allali - Dans tes yeux : Un amour dans le ghetto, par Marek Halter

22 Avril 2024 | 77 vue(s)
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Opinion

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

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Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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Dans tes yeux : Un amour dans le ghetto, par Marek Halter (*)

 

 

Né à Varsovie en 1936, Marek Halter, fils de l’imprimeur Salomon Halter et de la poétesse Perl Halter, revient sur son passé, rue Smocza et dans les rues avoisinantes de sa ville natale, à l’heure où les Allemands, qui ont pris possession de la capitale polonaise, après avoir, dès le 2 octobre 1940, sous la férule du gouverneur nazi, Ludwig Fisher, enfermé les Juifs dans un espace fermé, le Ghetto, procèdent méthodiquement à leur élimination physique en les conduisant à l’Umshlagplatz puis vers les camps de la mort ou en les abattant sur place à la moindre incartade. L’auteur a choisi, pour raconter ces heures sombres qu’il a lui-même connues, de se mettre dans la peau d’une petite fille juive, Sulamithe, probable alter ego de sa voisine Ruth, dont il était amoureux quand il avait quatre ans. Sulamithe n’a d’yeux que pour son voisin du troisième étage, Salomon, qui, avec la régularité d’un métronome, fait chaque jour son apparition à huit heures moins dix. Salomon, dont le père possède la fameuse pâtisserie Studnia, est un élève assidu de la yechiva. Le père de Sulamite, cordonnier de son état, voit, lui, les choses d’un autre œil : il envisage de marier Sulamithe qui a douze ans, avec Yankel, le fils de son associé Mendel, par ailleurs président du syndicat des cordonniers.

La famille de Sulamithe est amenée, malgré l’exiguïté de son logement, à accueillir la sœur de sa mère, Deborah et les siens dont la petite Topcia qui deviendra la confidente de Sulamithe.

Avant le déluge de la barbarie nazie, Varsovie abritait une importante communauté juive pratiquant le yiddish et vivant au rythme de la musique klezmer. Les yeshivot étaient nombreuses et actives et l’étude des textes sacrés faisait partie du quotidien des hommes, les femmes, elles, étant reléguées aux cuisines et à l’éducation des enfants. Trois cent cinquante mille personnes dont le nombre va, au fil des mois, se réduire comme peau de chagrin. Dans leur entreprise macabre et génocidaire, les Allemands seront secondés par des Ukrainiens, des Lettons, des Lituaniens et, dans une moindre mesure, par des Polonais.

Comble de l’hypocrisie : les nazis ont installé à Varsovie un Conseil juif dont le président, Adam Czerniakow, finira d’ailleurs par se suicider et mis sur pied une police juive. Des cinéastes allemands iront même jusqu’à filmer des Juifs véritablement mis en scène pour faire croire, par le biais d’un documentaire, qu’ils vivants et sont bien traités par les occupants.

Dans le ghetto, c’est la famine. Le marché noir se développe démesurément. On se partage avec parcimonie, des pommes de terre pourries, de rares légumes et de l’eau chaude tandis que les maladies, typhus et scorbut font des ravages. Les cadavres s’entassent dans les rues avant de finir dans la fosse commune. Dans ce climat délétère, une forme de résistance juive prend forme avec, à sa tête, le jeune Mordechaj Anielewicz.

La romance entre Salomon et la Sulamithe est ponctuée d’extraits du Cantique des Cantiques et des Lamentations. Émouvant et très original.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions XO, avril 2024, 128 pages, 12 €.

 

 

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