Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le Billet de Richard Prasquier - Abou Gosh

12 Juin 2023 | 177 vue(s)
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Opinion

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires !

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Mes précédentes chroniques, Djihad, Nakba, Russie ou Turquie, étaient plutôt inquiétantes et pour donner une tonalité positive à celle-ci, rien de tel que le sport. Après la victoire des jeunes israéliens sur le Brésil, Israël attend ce soir la demi-finale contre l’Uruguay. 

Mes compétences en football s’étant arrêtées à la défaite glorieuse de l’équipe de France de Kopa et Fontaine contre l’équipe du Brésil en 1958, je risquais de me ridiculiser dans un commentaire.

Mais je vais quand même parler de football et d’autres matchs internationaux, ceux que l’équipe israélienne d’Abou Gosh, composée de jeunes arabes de ce village et de jeunes juifs orthodoxes de la ville proche de Bet Shemesh, a livré contre les villes d’Île-de-France contenant ce qu’on appelle des « quartiers sensibles » : Sarcelles, Bobigny, Romainville cette année, Aubervilliers, Argenteuil et d’autres dans le passé.

Voici une quinzaine d’années que ces rencontres ont été initiées en Israël par le psychiatre Henri Cohen Solal, fondateur de Beth Esther et des Maisons d’accueil Beit Ham, avec les dirigeants des équipes de football Mohamed Jaber et Meir Rousso. En France elles sont soutenues par l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF) qui, avec SOS racisme, a su faire fructifier dans la banlieue parisienne un partenariat avec les villes et des éducateurs culturels et sportifs, que l’UEJF a d’ailleurs amenés à plusieurs reprises voir la réalité israélienne au-delà des clichés.

Le village d’Abou Gosh, à 10 kilomètres de Jérusalem ; c’est avant tout pour les Israéliens, le meilleur houmous du pays. Mais là ne s’arrêtent pas ses mérites.

L’ancêtre de la population, le dénommé Abou Gosh, aurait été amené au XVIème siècle par le sultan pour sécuriser l’accès à Jérusalem. Il venait, dit-on, du Caucase. Était-il tcherkesse ou tchétchène, nul ne le sait, mais Ramzan Kadyrov, le leader tchétchène à la sinistre réputation, fit construire en ce lieu une immense mosquée en mémoire de son père Ahmat, assassiné en 2004, l’homme qui après la première guerre tchétchène, passa dans le camp russe, facilitant grandement la victoire du jeune dirigeant Vladimir Poutine.

Abou Gosh est adjacent à Kiryat-Yearim, localité aux nombreuses yeshivot, siège de l’Arche d’Alliance avant la construction du Temple de Jérusalem.

Abou Gosh, c’est enfin, pour les chrétiens, le village d’Emmaüs, où le Christ ressuscité est apparu après la crucifixion, suivant l’évangile de Luc. Aujourd’hui, le magnifique monastère du XIIème siècle, propriété française, qui m’est particulièrement cher, est confié aux moines et moniales envoyés par l’abbaye du Bec-Hellouin. Ils ont établi des relations d’amitié exemplaires avec leurs voisins aussi bien Juifs que Musulmans.

Pendant la guerre de libération de 1948, c’est depuis Abou Gosh que partaient les soldats de la brigade Harel pour ouvrir la route de Jérusalem. La brigade, commandée par Yitzhak Rabin, enterrait ses nombreux morts dans le cimetière de Kiryat-Anavim, à la lisière du village. Pendant toute la guerre, Abou Gosh a gardé une stricte neutralité et sa population est restée sur place.

Abou Gosh n’est donc pas n’importe quel village arabe israélien. Ce lieu, aux noms divers dans l’histoire, a des consonances éparses, mais qui en font un symbole de coexistence.  

Pour une équipe de football, ce sport qui est un langage universel, et qui, comme la langue d’Ésope, est capable du meilleur et du pire, son nom est porteur d’espoir.  

Il existe sur le conflit israélo-arabe une masse d’analyses fouillées aussi objectives que possible. Cette masse pèse malheureusement peu devant un seul slogan virulent et imbécile : les « nazis sionistes », « l’apartheid » ou le « génocide des Palestiniens ».

Mais la mise en situation, rencontre ou visite, peut déclencher un choc de réel, susceptible de mettre à bas ces slogans. 

Pour des jeunes, côtoyer d’autres jeunes qui s’amusent comme eux et qui entretiennent, Juifs avec Musulmans, amitié et esprit d’équipe, est mieux à même de faire sauter les stéréotypes que de savantes dissertations sur le sujet.

C’est pourquoi je rends hommage à ceux qui portent ce travail de médiation sportive. Les plus valeureux, ce sont ces animateurs de quartier qui luttent contre les fourriers de la haine antisioniste, dont certains politiciens locaux se font malheureusement les relais, dans un choix électoraliste cynique et à courte vue. 

Ces animateurs modestes et anonymes sont les vrais défenseurs d’une France ouverte mais ferme sur ses principes universels, cette France qu’il ne faut pas laisser se déliter devant nos yeux…

 

Richard Prasquier, Président d'honneur du Crif

 

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