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Publié le 16 novembre dans Le Point
Il y aura bien un deuxième procès dans l’affaire du meurtre de Mireille Knoll. Les deux accusés ont fait appel. Le 23 mars 2018, le corps de Mireille Knoll, lardé de onze coups de couteau et en partie calciné, avait été retrouvé dans son modeste appartement HLM du 11e arrondissement. Le 10 novembre, la cour d’assises de Paris a reconnu Yacine Mihoub, 32 ans, coupable de l’avoir tuée et a retenu les circonstances aggravantes de l’antisémitisme et de la vulnérabilité, le condamnant à la réclusion criminelle à perpétuité, une peine assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans.
Son coaccusé, Alex Carrimbacus, 25 ans, a été innocenté pour le meurtre mais condamné à une peine de quinze ans de réclusion assortie des deux tiers pour « vol aggravé » chez la victime. Le caractère antisémite a également été retenu, de même que la circonstance aggravante de la vulnérabilité de Mireille Knoll, âgée de 85 ans et atteinte de la maladie de Parkinson. Lundi 15 novembre, Yacine Mihoub a annoncé faire appel. Ce mardi, c’est au tour de son coaccusé de déclarer qu'il a interjeté appel, comme nous le confirme son avocat, maître Karim Laouafi.
Pendant toute la phase d’instruction, puis pendant tout le procès, qui a duré onze jours, Yacine Mihoub et Alex Carrimbacus n’ont cessé de se renvoyer la responsabilité du crime. Deux versions irréconciliables, faites de nombreuses variations et incohérences.
Tous les deux s’étaient rencontrés à la prison de Fleury-Mérogis dans le courant de l’année 2017. Alex Carrimbacus, un marginal aux antécédents psychiatriques, y purgeait une peine pour vol. Yacine Mihoub, lui, prétendait être détenu pour « trafic d’armes », alors qu’il avait en réalité été condamné pour « agression sexuelle », sur la fille d’une aide ménagère de Mireille Knoll, qu’il décrivait comme « une grand-mère de substitution ». La mère de Yacine Mihoub vivait dans le même immeuble que la vieille dame et son fils lui rendait parfois de menus services contre un petit billet. Zoulikha Khellaf, la mère de Yacine Mihoub, comparaissait également au procès pour « destruction de preuve ». Elle a de son côté été condamnée à trois ans de prison, dont un an ferme à domicile sous surveillance électronique. Elle a été reconnue coupable d’avoir détruit des objets et nettoyé l’arme du crime.
Deux récits qui s’entrechoquent
Interrogé sur les faits le 5 novembre, Alex Carrimbacus avait indiqué que c’est à la demande de Yacine Mihoub qu’il s’est rendu le 23 mars 2018 chez Mireille Knoll. Il aurait alors compris qu’il s’agissait d’un cambriolage. Dans le box, il a raconté que la discussion s’était envenimée entre la vieille dame et Yacine Mihoub, au moment où ce dernier avait commencé à parler « des juifs et de l’argent », et que tout est allé « très vite ». Yacine Mihoub aurait ensuite « porté » Mireille Knoll jusqu’à sa chambre, le laissant seul dans le salon. Il aurait entendu Mireille Knoll crier et se serait rendu dans la chambre, d’où il aurait vu Yacine Mihoub mettre des coups de couteau à l’octogénaire, qui était incapable de se déplacer seule. « Je le vois mettre un coup à la gorge de Mireille Knoll en criant “Allah akbar”. Puis il a pris son cou, m’a montré qu’elle était morte et m’a dit “elle a payé pour ce qu’elle a fait” », avait raconté l’accusé. Il aurait ensuite tendu son briquet à Yacine Mihoub pour que ce dernier mette le feu à l’appartement et ne l’aurait pas dénoncé car « tétanisé ».
Yacine Mihoub a de son côté livré un récit en tout point inverse. Si le mobile tenait, selon l’accusation, au fait que Yacine Mihoub a eu le sentiment d’avoir écopé d’une peine de prison pour agression sexuelle à cause de Mireille Knoll, lui se défendait d’avoir été animé par un quelconque sentiment de vengeance. « Ce jour-là, je suis venu lui dire bonjour, prendre des nouvelles. […] J’ai juste invité la personne qu’il ne fallait pas », a déclaré Yacine Mihoub lundi. Lui expliquait que, ce vendredi 23 mars, il avait « invité » Alex Carrimbacus chez Mireille Knoll et qu’il l’aurait perdu de vue quelques minutes tandis qu’il fumait une cigarette sur le balcon. « Ces cinq minutes ont suffi pour que Mireille Knoll soit poignardée onze fois », a assuré Yacine Mihoub, parlant d’un vol qui aurait « mal tourné ».
À l’issue du délibéré, le président avait ainsi résumé à propos de Yacine Mihoub : « La cour et les jurés n’ont pas été convaincus par ses protestations d’innocence » et n’ont pas retenu « la thèse de la folie soudaine d’Alex Carrimbacus ». Les jurés ont plutôt considéré que le mobile du crime reposait sur la « haine sourde » et « la détestation larvée » que Mihoub vouait à Mireille Knoll. Ce sera désormais à la cour d’appel de reprendre l’affaire à zéro.