Lu dans la presse
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Publié le 23 Juin 2021

France - Affaire Mila : jusqu’à six mois de prison avec sursis requis contre douze prévenus

Au total, treize prévenus étaient jugés à Paris pour avoir participé au cyberharcèlement de l’adolescente Mila, après sa vidéo polémique sur l’islam publiée en novembre.

Publié le 22 juin 2021 dans Le Monde

Durant deux jours de procès, ils ont donné un visage au cyberharcèlement infligé à Mila, adolescente de 18 ans victime d’un déchaînement de haine, après ses prises de positions sur l’islam, en novembre 2020. Le parquet a requis, mardi 22 juin, des peines allant jusqu’à six mois de prison avec sursis à l’encontre de douze jeunes gens, jugés à Paris pour avoir participé au « lynchage 2.0 » de l’adolescente.

Le procureur a demandé à l’encontre de ces « harceleurs » une « peine d’avertissement » : trois mois d’emprisonnement avec sursis pour trois d’entre eux, poursuivis pour harcèlement, et six mois de prison avec sursis pour neuf prévenus, renvoyés pour harcèlement et menaces de mort. Au bénéfice du doute, le ministère public a réclamé la relaxe d’un treizième prévenu. Le tribunal correctionnel a mis son jugement en délibéré au 7 juillet.

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La majorité des prévenus, âgés de 18 à 29 ans, ont reconnu à l’audience être les auteurs des messages haineux, postés en novembre 2020, en réponse à une nouvelle vidéo devenue virale, dans laquelle Mila critique l’islam. Originaires de toute la France, la plupart d’entre eux ont contesté avoir su que Mila était la victime d’un harcèlement en ligne, un « raz-de-marée ». Dans l’ensemble, ils ont ainsi nié leur participation à un « raid » numérique.

La vie de cette adolescente iséroise a « basculé en janvier 2020 quand, répondant à des injures sur les réseaux sociaux » sur son orientation sexuelle, elle publie une vidéo véhémente sur l’islam « dans les strictes limites » de la liberté d’expression, a rappelé le procureur. La déflagration est immédiate et les « conséquences réelles » pour Mila, alors âgée de 16 ans et demi : cible d’un « raz-de-marée de haine », elle est contrainte de quitter son lycée et de vivre sous protection policière.

Le procureur dénonce la « dérobade » des prévenus

Dans une seconde vidéo, le 14 novembre, elle s’en était prise vertement à ses détracteurs : « et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s’il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du cul, j’les ai toujours pas sortis », avait lancé Mila sur Tik Tok.

Les prévenus sont poursuivis souvent pour un unique message posté anonymement sur les réseaux sociaux à la suite de la publication de cette vidéo : « qu’elle crève », « tu mérites de te faire égorger sale pute », « que quelqu’un lui broie le crâne par pitié ». Pour le ministère public, ils savaient que « Mila était déjà harcelée » et doivent donc être condamnés, en application de la nouvelle loi sur le cyberharcèlement.

Depuis 2018, ce délit peut être constitué dès lors que plusieurs personnes s’en prenant à une même victime savent que leurs propos ou comportements caractérisent une répétition, sans que chacune de ces personnes ait agi de façon répétée ou concertée.

« Première occasion » de comprendre la « dynamique infernale » du harcèlement en ligne, l’audience aura réuni « un nuancier de la bêtise et de la haine de proximité, qui va du cuisinier qui veut mettre un coup de bite à Mila, à l’étudiante en psychologie qui veut lacérer son corps avec un couteau », a considéré le procureur. Vilipendant l’absence de prise de conscience des prévenus, il a réclamé du tribunal qu’il leur dise que « les réseaux sociaux ne sont pas un Far West sans règle ».

Certains de ces jeunes « sans histoire », dont beaucoup se disant athées, ont plaidé « la bêtise » d’un message posté « sans réflexion », sous le coup de la « colère ». Plusieurs d’entre eux sont des étudiants se disant « ouverts d’esprit » et se destinant à devenir ambulancier, comptable, agent des impôts ou ingénieur.

L’acceptable et de l’inacceptable

Pour ne pas obérer leur avenir, leurs avocats, qui ont sollicité des relaxes partielles ou totales, ont demandé de ne pas inscrire d’éventuelles condamnations à leur casier judiciaire. La défense a soulevé l’absence de preuves sur le fait que certains des tweets, sans hashtag ni arobase, aient été lus par la victime, et qu’ils doivent donc être jugés « sans effet ».

De ces « treize prévenus », au regard des 100 000 messages reçus par Mila, « on veut faire une masse indistincte, celle des harceleurs », a déploré Me Florent Hennequin, avocat d’une prévenue. « Ce procès ne doit pas être un procès pour l’exemple, mais un procès exemplaire ».

« Il y aura un avant et un après ce procès. Nous sommes en train de poser les règles de l’acceptable et de l’inacceptable » en matière de haine en ligne, avait lancé lundi le président du tribunal, Michaël Humbert. Pendant deux jours, le magistrat s’est évertué à tenter de définir les contours de la liberté d’expression et les différences entre blasphème et injure. Avant de lever l’audience, il a constaté que persistaient des « désaccords » sur ces notions.

« Je vous demande de poser les jalons d’un monde un peu moins sauvage », a déclaré Me Richard Malka, l’avocat de Mila, partie civile au procès et victime d’une « lapidation numérique ». Il a sollicité 5 000 à 10 000 euros de dommages et intérêts à l’encontre de chacun des prévenus.