Président de la Commission Souvenir du Crif
Très rapidement après l’occupation de la Pologne, les autorités nazies ont fallacieusement accusé les Juifs d’être des vecteurs de maladies infectieuses dangereuses, voire mortelles et en particulier du typhus, susceptibles de contaminer les soldats allemands mais aussi la population polonaise.
La propagande nazie a largement véhiculé ce mensonge en l’expliquant par un soit disant manque d’hygiène chez les Juifs. Cela a donné lieu à une gigantesque campagne de d’affiches dans les rues de Varsovie qui représentait un Juif à la barbe grouillante de poux avec un slogan « Juifs, poux, typhus ». En assimilant les Juifs à des poux, les autorités allemandes encourageaient leur rejet et leur stigmatisation tout en suggérant leur élimination. Hans Frank, Gouverneur général de la Pologne occupée , a d’ailleurs déclaré le 19 décembre 1940 : « À vrai dire, en un an, je ne pouvais pas supprimer tous les poux ni tous les Juifs. Mais on y arrivera avec le temps […]. Il n’est pas nécessaire non plus que nous accomplissions tout en une seule année, ni tout d’emblée car qu’auraient donc à faire ceux qui viendront après nous ? ».
Il convient de souligner le rôle très important du service de santé de l’Inland (département des Affaires intérieures), et en particulier du docteur Wilhelm Hagen, dans la diffusion de ce mensonge. Ce dernier a réalisé un soit disant travail de recherche médical qui a établi que les Polonais présentaient une susceptibilité accrue de contracter la tuberculose contrairement aux Juifs qui étaient selon lui plutôt prédisposés au typhus.. Son travail a constitué une caution pseudo-médicale essentielle à la mise en place d’une ghettoïsation considéré comme une « mesure de santé publique ».
Progressivement, il a été instillé l’idée selon laquelle l’établissement d’un ghetto à Varsovie était nécessaire pour protéger les soldats allemands de plus en plus nombreux en Pologne en prévision d’une invasion de l’URSS mais aussi la population polonaise environnante. Les autorités nazis ont ainsi exigé du Judenrat la construction d’un mur pour délimiter le quartier de quarantaine afin d’isoler les Juifs de Varsovie le 27 mars 1940.
Toutefois, l’histoire du ghetto de Varsovie a véritablement commencé le 12 octobre 1940, lorsque les autorités nazies ont donné l’ordre d’enfermer dans un périmètre d’environ 300 hectares (8 % de la superficie de la ville, soit le tiers du bois de Vincennes), 381 000 Juifs (environ 30 % des habitants de Varsovie). Elle s’est terminée très exactement 948 jours plus tard, le 16 mai avec l’extermination des derniers résistants et le dynamitage de la grande synagogue Tlomackie, élément majeur du patrimoine de ce qui avait été la plus grande métropole juive du monde après New York.
Les médecins de l’Inland ont cherché à se faire oublier après la Guerre. Le docteur Wilhelm Hagen a poursuivi une brillante carrière sans être inquiété. Il a été chargé de cours à l’université de Munich en 1948 puis à partir de 1949, il a assuré la direction de la revue médicale Der öffentliche Gesundheitsdienst. Il est devenu président du bureau fédéral de la Santé. Il a assuré un enseignement des maladies infectieuses à l’université de Bonn à partir de 1952. Hagen est mort tranquillement et sereinement le 29 mars 1982 en laissant pour ses proches, ses collègues médecins et ses étudiants le souvenir d’un praticien d’une excellente réputation
Pour en savoir plus : Les 946 jours du Ghetto de Varsovie. Edition Liana Levi. 2018
Bruno Halioua