Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Lectures de Jean-Pierre Allali - En collaboration, par Émile Brami

11 Décembre 2019 | 127 vue(s)
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Antisémitisme

L'antisémitisme : les causes d'un Mal qui s'aggrave.

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

"Dites-moi que ce furent des cauchemars, que le monde s'améliore de jour en jour, que des flammes de lumière jaillissent en chaque point du globe."

Article paru dans le HuffinghtonPost.fr

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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En collaboration, par Émile Brami (*)

Juif originaire de Souk-El-Arba, en Tunisie, Émile Brami, qui, par ailleurs, anime une librairie-galerie à Paris, « D’un livre l’autre », est, sans conteste, l’un des écrivains français contemporains les plus remarquables. En témoignent les nombreux prix qu’il a reçus dont le prix Palissy du premier roman pour Histoire de la poupée en 2001 et le prix Méditerranée en 2007 pour Le manteau de la Vierge. C’est aussi, et cela lui a été souvent reproché, l’un des grands spécialistes de l’œuvre de Céline. Dans une interview qu’il m’avait accordée pour Information Juive, il faisait une distinction, pour ce qui est des écrivains juifs de Tunisie entre les tenants de la nostalgie et les amoureux du verbe : « Il y a deux catégories de narrateurs : les spécialistes du souvenir qu’ils magnifient le plus souvent et ceux qui optent pour un processus d’écriture et de fiction. Je fais partie de ces derniers car la survivance passe à mon sens par cette façon de faire » (1).

Dans son nouveau roman, à travers les pérégrinations de l’inspecteur Joseph Laborieux, c’est l’univers glauque du milieu de la collaboration qu’il nous décrit.

Abandonné à sa naissance le 1er mai 1897, Joseph Laborieux a été recueilli par un chiffonnier. Après avoir connu l’orphelinat, puis l’école primaire, il a été mis en apprentissage chez un menuisier. Mobilisé, il fera la Guerre de 14-18 avant de se lancer dans la carrière de flic. « Hirondelle » de commissariat, il gravit tous les échelons jusqu’à être nommé inspecteur. Une véritable vocation et, surtout, une obsession : retrouver le mystérieux assassin des Orphées. Entre le 7 mars 1926 et le 23 mars 1944, dix-neuf assassinats. Tous de la même veine. Des jeunes femmes vierges, « entre quatorze et dix-huit ans, grandes, minces, blondes, belles, les cheveux longs, les yeux bleus : des corps toujours abandonnés au bord de l’eau une longue robe de lin blanc cassé enveloppant comme un linceul le cadavre nu ; un drap de soie vert et des pétales de roses ; l’entaille mortelle de l’artère fémorale gauche ; la longue immersion… » Et un billet avec des mots se référant à Hamlet et à Rimbaud. Un meurtrier en série, sans aucun doute.

Policier toujours aux ordres, « obéissant, zélé, disponible », faisant équipe avec son collègue Antonin Verjus, il n’hésitera pas, aux heures sombres de l’Occupation allemande, à traquer des Juifs puisque des ordres lui étaient donnés dans ce sens : « Nous avons contribué à faire prendre des centaines de Juifs et démantelé une quinzaine de réseaux terroristes ». Mais, contrairement à son collègue Verjus, qui avait assuré ses arrières, en pratiquant le double-jeu, Laborieux, naïf, sera arrêté, jugé et condamné à mort.

Lorsque la défaite allemande se dessine, Laborieux, comme de nombreux autres Français, quitte discrètement la France pour Sigmaringen, « gros bourg du Wurtemberg, berceau de la dynastie des Hohenzollern, devenu, par la volonté de Hitler, une enclave française en territoire allemand »,  en passant par Baden-Baden, « Bains-Bains », « Bin-Bin ». Sigmaringen « la cour des Borgia », où un pseudo-gouvernement français en exil s’est installé sous la présidence de Fernand de Brinon. « Sigmaringen ? Une communauté réduite aux caquets »

L’auteur nous brosse des portraits sans fards des figures de la collaboration. Pierre Laval, Léon Degrelle, Joseph Darnand, Jean Luchaire, alias « Jean Louche Herr », Robert Brasillach, Maurice Bardèche, Pierre Drieu-La-Rochelle, Lucien Rebatet, un trouillard de première, que sa femme, Véronique, une Roumaine, appelle « Louchienne », les chroniqueurs de Je suis partout et d’Au Pilori. Tous pleins de vénération pour le vieux maréchal Pétain, « Le Connétable du déclin » et pour Jacques Doriot, chef du PPF, « Hitler débraillé à lunettes et bretelles, gros Führer gaulois sans petite moustache »

C’est la rencontre de Laborieux avec le docteur Destouches, Louis-Ferdinand Céline, alias Ferdine qui va être amené à l’examiner et à le soigner, qui est de loin la plus intéressante du récit, Céline, « l’auteur de Voyage au bout de la nuit et du scandaleux Mort à crédit et dont les derniers livres s’attaquaient violemment aux Juifs… »

Émile Brami attribue à Céline ces mots sur Laval : « Bicot ! Avec sa mèche d’ébène, il ne lui manque que le fez crasseux… » et, plus loin, sur le Führer : « Hitler ? Un mage pour le Wurtemberg… »

À Sigmaringen, la presse collaborationniste déverse son venin. Les idées les plus folles et les plus racistes circulent : « Les youpins débarrasseraient le plancher : expulsés du pays, ils iraient se mélanger aux bamboulas de Madagascar ou s’étriper avec des bicots baiseurs de chèvres pour quelques arpents de désert en Palestine… »

Tandis que la France libérée organise les procès des collabos, que Georges Suarez et Robert Brasillach sont exécutés, on apprend que la voiture de Jacques Doriot a été mitraillée à Mengen par des avions américains ou anglais voire allemands. Des pages très intéressantes sont consacrées aux funérailles du chef du PPF. « La mort de Doriot marqua la fin de l’imposture Sigmaringen ». Plus tard, Laval, Brinon, Darnand, Luchaire, Hérold-Paquis, Bucard et bien d’autres seront fusillés. Comme on le sait, Pétain, condamné à mort, sera gracié par le général de Gaulle.

Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, écopèrent eux-aussi de la peine de mort. « Pendant le procès, Cousteau assuma ses actes et se comporta avec dignité, tandis que Rebatet se montra d’une veulerie répugnante…Après un exil de sept ans au Danemark, Louis-Ferdinand Céline avait été condamné à deux ans de prison, à la saisie de ses biens et amnistié quelques mois plus tard à la suite d’un tour de passe-passe juridique de son avocat… »

Pour l’inspecteur Laborieux, la série des Orphées se poursuit en Allemagne avec la découverte du corps de Gilberte Baudry, ce qui limite le champ d’investigation.

Arrêté le 16 août 1945, l’inspecteur, comme on l’a dit, est traduit en justice et condamné à mort. Après 4 ans d’emprisonnement à Poissy, il se retrouve au pénitencier d’Eysses. Il est libéré le 2 octobre 1953. Il a 56 ans et une seule obsession : reprendre le dossier des Orphées. D’autant plus qu’un nouveau meurtre a lieu en juin 1957. En tout, 32 victimes !

La vérité finira par se faire jour. Émile Brami n’hésite pas à citer Céline à ce propos : « La vérité de ce monde, c’est la mort ».

Intéressant, ce roman nous permet de découvrir des épisodes peu connus de l’Histoire. 

 

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Écriture. Octobre 2019. 256  pages. 18 €.

(1) Information Juive. Février-Mars 2018.