L’antisémitisme qui mène à la mort : l’assassinat d’Ilan Halimi

12 Février 2015 | 3464 vue(s)
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France

Jeudi 6 septembre s'est tenue la cérémonie d'échange des vœux entre les responsables de la Communauté juive, la Maire de Paris Anne Hidalgo et la présidente du Conseil régional d'Ile de France Valérie Pécresse.

Jeudi 26 juillet, j'ai écrit au Ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian afin de lui faire part de mon étonnement face à l'absence de mention d’Israël dans les déclarations du Quai d'Orsay suite à l'évacuation de casques blancs syriens.

Mercredi 25 juillet, j'ai adressé des courriers aux Présidents respectifs de la Fédération Française des Échecs et de la Fédération Française de Judo. L'objectif : mener à bien le combat pour l'égalité et contre la discrimination de toute nature.

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Neuf ans après l’assassinat d’Ilan Halimi, voici la « chronique d’une barbarie et de ses conséquences médiatiques, politiques et judiciaires »,  par Marc Knobel, historien, chercheur, directeur des Études du CRIF

 

Le meurtre du jeune Ilan Halimi et toute cette horrible affaire a suscité, à l’époque, de nombreux débats, sur lesquels nous reviendrons méthodiquement dans ce texte. Car, nous entendons développer ici[1] les aspects policiers, médiatiques, judiciaires et politiques de l’affaire Halimi.
 
Retour sur des jours qui ont marqué notre pays.
 
Pour commencer, rappelons le déroulement des faits
 
Le 20 janvier 2006, Ilan Halimi, qui vit dans l’Est parisien avec sa mère et sa sœur, a rendez-vous dans la soirée avec la jeune Emma, qui l’a abordé trois jours plus tôt dans le magasin de téléphonie du boulevard Voltaire où il effectuait un remplacement. La mineure est un appât « loué » par un certain Youssouf Fofana d’origine ivoirienne, dont le plan est d’enlever un Juif « parce qu’ils sont bourrés de thunes ». Emma entraîne Ilan dans le sous-sol d’un immeuble de Sceaux. Là, ses complices le frappent et l’endorment à l’éther, puis l’emmènent, dans le coffre d’une voiture volée, jusqu’à un appartement vide, situé dans une cité de Bagneux (Hauts-de-Seine). Pendant les trois semaines suivantes, Ilan est torturé.
 
Le 21 janvier au matin, au lendemain de l’enlèvement, Youssouf Fofana envoie depuis un cybercafé une photo d’Ilan à sa famille, sur laquelle le jeune homme apparaît menacé par un pistolet. Fofana exige une rançon de 450 000 euros, à remettre au plus tard le lundi 23 janvier. Il quitte ensuite la France pour la Côte d’Ivoire, laissant l’otage à des complices. Ceux-ci, devant l’absence de réaction de la famille Halimi, s’impatientent, mais acceptent au bout de quelques jours d’envoyer une nouvelle photo d’Ilan. Les jours passent, les échanges téléphoniques avec la famille d’Ilan se multiplient, le montant de la rançon ne cesse de changer.
 
De retour en France le 28 janvier 2006, Youssouf Fofana avertit un rabbin « qu’un Juif a été kidnappé » et le guide jusqu’à une boîte à lettre parisienne, où l’homme découvre une cassette audio sur laquelle est enregistré un message de l’otage « en sanglot, à bout de force, parlant des sévices subis ». Au même moment, Fofana doit libérer l’appartement où est détenu Ilan : dans la nuit du 29 au 30, il transporte celui-ci sur son dos jusqu’à un local technique, dans les caves d’un immeuble voisin.
 
Le mardi 31 janvier, un cousin d’Ilan est conduit jusqu’à un pressing, où il trouve une cassette vidéo de l’otage, suppliant qu’on paye la rançon, ainsi qu’une photo de lui, en peignoir, menotté. La situation s’enlise. Dans la cave, Ilan s’affaiblit : il est dévêtu, toujours ligoté, à peine nourri, son visage est entouré de scotch. Des gardiens craquent, mais d’autres sont prêts à les relever.
 
Le 4 février, Youssouf Fofana repart pour la Côte d’Ivoire, d’où, le 6, il organise une remise de rançon. Elle doit avoir lieu place de Clichy et être apportée par le père d’Ilan (celui-ci vit séparé de la mère du jeune homme). Malgré ses nombreux contacts, le ravisseur n’a pas trouvé de détecteur de faux billets à Paris : il demande que l’opération se fasse à Bruxelles. Le père d’Ilan refuse. D’Afrique, Fofana demande alors à ses complices de photographier l’otage, une photo où Ilan serait « en sang ». Ce dernier est trop affaibli pour supporter des coups, alors ils lui entaillent la joue au cutter.
 
Le dimanche 12 février 2006, Youssouf Fofana rentre à Paris. Ses complices en ont visiblement assez. Il leur assure qu’il va relâcher Ilan, qu’il frappe à nouveau violemment pour obtenir les coordonnées d’autres membres de sa famille. Puis, afin d’effacer les indices, Ilan est lavé, ses cheveux sont rasés. Le 13, à 5 h, les membres du gang voient Fofana s’éloigner au volant d’une voiture volée. Son otage se trouve dans le coffre. Trois heures et demie plus tard, une passante en voiture repère Ilan, couché le long d’une voie de chemin de fer, à Sainte-Geneviève-des-Bois. Il est nu, menotté et bâillonné. Son corps est couvert de brûlures. Il meurt au cours de son transfert vers l’hôpital. Les médecins recensent quatre plaies au cou, dont une à la veine jugulaire, une à la hanche, faites par un « instrument tranchant et piquant. »
 
Le 15 février 2006, Audrey Lorleach, membre du Gang des Barbares, dénonce les faits à la police. Youssouf Fofana se réfugie précipitamment en Côte-d’Ivoire, où il est arrêté une semaine plus tard, avant d’être extradé vers la France, où il est mis en examen et écroué.
 
L’émotion qui accompagne l’annonce du décès d’Ilan Halimi est immense. Plusieurs manifestations sont organisées à Paris et en province. Les réactions se multiplient dans la presse et les médias pour condamner ce meurtre odieux. Pourtant, pendant quelques jours, l’incertitude demeure. Est-ce un crime crapuleux ? Ou est-ce, circonstance aggravante, un crime antisémite ? La question est bientôt tranchée : le 5 mars 2006, les magistrats instructeurs retiennent la circonstance aggravante d’antisémitisme et Le Monde publie des informations en faveur d’une interprétation antisémite de l’affaire. Plus de doute, il s’agit d’un crime antisémite. Immédiatement, le ton change.
 
La prudence de la presse
 
Pendant une semaine, les organes de presse se sont montrés réticents à qualifier ce crime. L’origine de la victime n’a pas été mise en avant. De fait, l’affaire du RER D[2], survenue deux ans plus tôt, a pu inciter à la précaution et provoquer un double déplacement dans la presse : d’une part, on est passé d’une affaire de cité de banlieue à une tension intercommunautaire, d’autre part, on a glissé du fait divers au fait politique.
 
C’est pour cette raison que dans son interview, le politologue Jean-Yves Camus, sur RFI quelques jours après les faits, souligne l’hésitation des journalistes à qualifier d’emblée l’événement, tout en affirmant la nature antisémite du crime. À la question de savoir pourquoi le meurtre d’Ilan Halimi a provoqué un tel émoi en France, et plus particulièrement dans la communauté juive, Camus répond : « Tout d’abord, les enlèvements avec demande de rançon sont rarissimes en France. Ceux qui se terminent par la mort de l’otage le sont encore plus. Le deuxième élément, c’est que le mode opératoire du groupe, qui ne répond à aucun mobile politique particulier, mais qui n’est pas non plus lié à une des familles du grand banditisme organisé – c’est un gang de cité –, est nouveau.
 
C’est ce qui explique aussi que l’enquête ait été difficile et que certaines accusations aient été lancées, notamment dans la communauté juive, sur les éventuelles erreurs qu’aurait pu commettre la police dans le traitement de l’affaire…
 
Pourquoi autant d’émotion dans la communauté juive ? Parce qu’il est apparu que si l’antisémitisme n’était pas l’élément déclencheur, il venait se greffer quand même sur le motif crapuleux : les gens qui ont enlevé Ilan Halimi étaient persuadés qu’enlever un Juif, c’était avoir la certitude que sa famille pouvait payer la rançon et que si sa famille ne le faisait pas, la communauté juive, qu’ils voient visiblement comme une entité homogène, pouvait se cotiser pour payer la rançon en question. »
 
À la question de savoir si cet élément suffit à rendre ce crime antisémite, Jean-Yves Camus, visiblement agacé, répond :
 
« Si ce n’est pas de l’antisémitisme, qu’est-ce c’est ? Imaginons qu’on enlève en France un musulman et que la demande de rançon soit : « Si votre famille ne peut pas payer cotisez-vous dans les mosquées », ce sera bien évidemment un crime islamophobe. Pour ma part, je le qualifierais comme tel. La moindre des choses, c’est que l’on considère donc, lorsque la victime est juive, que c’est un crime antisémite. Le drame est dans le fait qu’on a, aujourd’hui en France, un accroissement des communautarismes. On ne voit plus les gens comme des citoyens ou des individus, mais comme appartenant à un groupe primaire qui est essentialisé. Il n’y a aucune raison particulière pour que, lorsque vous appartenez à un groupe religieux ou ethnique, la totalité du groupe auquel vous appartenez se cotise pour payer votre rançon. C’est un truc de fou ! »
 
Les manifestations et le soutien
 
Le jeudi 23 février, un hommage est rendu à Ilan Halimi à la grande synagogue de Paris, en présence de Jacques Chirac et de nombreuses personnalités politiques et religieuses. L’édifice est comble, et des centaines de personnes se massent dans les rues adjacentes. Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris et un représentant du président de la fédération protestante de France assistent à cette cérémonie, où le kaddish (la prière des morts) est lu avant l’allocution du grand rabbin de France, Joseph Sitruk. Au même moment, une marche silencieuse organisée à Bagneux, où Ilan Halimi a été détenu et torturé, rassemble des centaines de personnes. Plusieurs organisations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, ainsi que le Parti socialiste, le Parti communiste et l’UMP appellent à manifester le dimanche suivant à Paris. Le CRIF, Sos-Racisme et la Licra, annoncent une marche contre le racisme et l’antisémitisme, en hommage à Ilan, le même jour dans la capitale. Les manifestants défileront entre la place de la République et celle de la Nation. L’ensemble des citoyens, les personnalités politiques, les familles religieuses et l’ensemble de la société civile sont invités à participer à cette manifestation citoyenne. Plusieurs personnalités[3] y prennent effectivement part, ainsi que des partis politiques (l’UMP, le PS, l’UDF, le Parti communiste français, les Verts), des syndicats, des associations, des fondations, des institutions, etc.
 
Les premières réactions politiques
 
Les réactions ne se font pas attendre et les hommes politiques – qui sont quelquefois embourbés dans des considérations électorales, rappelons-le ici – veulent s’exprimer dans la presse. Mais, on les interroge (seulement ?) pour les entendre se récrier d’indignation. Du gouvernement à l’opposition, chacun condamne donc fermement ce crime atroce, mais les réflexions ne vont pas au-delà. Comme si les politiques ne peuvent penser ce drame autrement qu’en le condamnant. N’aurait-il pas fallu apporter des réponses concrètes aux problèmes qui se posent dans les banlieues, sur l’antisémitisme et le racisme? Ou solliciter une réflexion immédiate sur ces sujets ?
 
Enfin, les points tenus et les analyses, au-delà de la colère et de l’émotion, dénotent des divergences de perception, voire des erreurs de jugement…
 
Au gouvernement et dans la majorité
 
Dominique de Villepin, le Premier ministre, souligne ainsi, dès le 20 février, qu’il y a de « l’émotion, du recueillement : c’est toute la solidarité nationale qui s’exprime […]. Nous devons la vérité à la famille d’Ilan. Nous vous devons la vérité. Nous devons la vérité à tous les Français […]. Nous ferons tout pour que les auteurs de ce crime barbare soient arrêtés et traduits devant la justice ».
 
Le même jour, la réaction du ministre de l’Intérieur est beaucoup plus ferme. Il parle de « crime crapuleux, odieux, barbare » : « Ceux qui ont torturé et tué Ilan Halimi ne sont rien d’autre que des barbares. […] Il faut voir de très près les circonstances. Nous mettons tout en œuvre pour retrouver ceux qui sont en fuite. […] C’est un acte d’une barbarie inqualifiable. […] Il va falloir comprendre comment tout ceci est possible. Ils ont utilisé des moyens Internet sophistiqués. […] J’en ai assez qu’on appelle “jeunes” des voyous, des assassins, des barbares. Cela crée un amalgame intolérable. » Azouz Begag, le ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances, condamne lui aussi l’assassinat d’Ilan Halimi et utilise un autre terme pour qualifier les agresseurs. Il dit souhaiter que « les monstres » qui ont commis cette atrocité soient vite retrouvés et qu’ils « répondent de leur acte » devant la justice. Pour Roger Karoutchi, sénateur UMP, « on a passé une étape ». Mais il précise n’être pas de ceux qui pensent qu’« un climat d’antisémitisme se développe ». Quant au député UMP Éric Raoult, invité sur Europe 1, il dénonce « l’effet Dieudonné » dans l’affaire Ilan Halimi : « Ceux qui ont fait ça avaient une caricature en tête, celle d’avant-guerre, selon laquelle “les Juifs ont de l’argent” [et sont donc des] proies possibles et rentables. […] Comme le ministre de l’Intérieur (Nicolas Sarkozy) l’a souligné, c’est de l’antisémitisme par amalgame. »
 
Au Mouvement pour la France
 
Le président du Mouvement pour la France (MPF) et député de Vendée, Philippe de Villiers, dans son intervention du 20 février, dit… vouloir rétablir la peine de mort :
 
« La France doit déclarer la guerre aux barbares. Il n’y a plus d’autre solution, face à un tel cas de barbarie et d’asocialité, que de rétablir en France la peine de mort pour les meurtres aggravés avec actes de torture. La révélation du crime avec tortures par une bande de barbares, comme ils s’appellent eux-mêmes, manifeste le terrible échec de la politique de Nicolas Sarkozy en matière de sécurité publique et d’immigration. La société a le devoir de se défendre. Nous n’avons plus affaire à des voyous ou à de la racaille, mais à une bande de barbares. Il faut leur faire la guerre et les mettre hors d’état de nuire. »
 
Au Front national
 
La réaction de Jean-Marie Le Pen n’est qu’un prétexte pour promouvoir ses thèmes de prédilection (l’immigration, l’insécurité…) : « Le meurtre atroce d’Ilan Halimi était un résultat parmi d’autres de 40 ans d’immigration incontrôlée et de politique irresponsable vis-à-vis de populations déracinées. Il s’agit d’un tragique aveuglement sur la montée et l’étendue de la barbarie dans notre pays et fait valoir que les élections de 2007 doivent être l’occasion d’un changement radical de politique. »
 
De son côté Dieudonné, sans crainte du ridicule ni de faire preuve d’une indécente hypocrisie, dénonce la « barbarie néolibérale » qui serait selon lui « à l’origine du meurtre atroce d’Ilan Halimi ».
 
« Le néolibéralisme qui a instauré le culte du profit comme valeur centrale de la société gangrène progressivement les classes les plus défavorisées. […] Celles-ci voient s’amonceler les richesses dans les mains de quelques-uns de manière chaque jour plus indécentes, alors même qu’elles subissent une paupérisation croissante. […] Nous assistons impuissants à la dérive américaine de la société française, que le ministre de l’Intérieur se propose d’ailleurs d’aggraver. […] La tentative de certains communautaristes d’exploiter ce drame odieux à des fins politiques et de stigmatisation de l’Autre est indécente et fait peu de cas de la mémoire de la jeune victime…
 
Dans l’opposition
 
Le Parti socialiste, pour sa part, souligne divers points, au premier rang desquels la nécessité de lutter fermement contre l’antisémitisme. Ainsi Dominique Strauss-Kahn rappelle-t-il que dans les banlieues, « on cherche des bouc-émissaires. Or les juifs, pas seulement les juifs d’ailleurs, ont souvent été les bouc-émissaires d’une société malade ». Malek Boutih, secrétaire national du PS, affirme quant à lui qu’« un acteur essentiel dans cette lutte est l’école, mais elle n’est pas assez mobilisée, il devrait y avoir des campagnes et du matériel pédagogiques ». Julien Dray, pour sa part, voit dans ce crime un effet pervers de la transformation de la société : « Il y a un antisémitisme qui s’est incrusté dans la société française. Il y a des personnages symboliques qui portent cela. Je le dis clairement : on a les effets différés aujourd’hui de tout ce qu’a fait Dieudonné tout au long de ces années. Il y a un effet Dieudonné ». Pour lui, il y a eu « un effet d’assimilation bête [de la part de] jeunes qui ont rigolé de l’humour [de Dieudonné]. On a ressorti les caricatures traditionnelles du nez crochu, des papillotes ».
 
Sans surprise donc, les réactions du monde politique, à l’approche des échéances électorales, sont calculées…
 
Dans la communauté juive
 
Le CRIF, par la voix de son président Roger Cukierman, appelle au calme et au sang-froid. Ainsi, la plus grande méfiance est-elle recommandée face à cet événement, et une manifestation spontanée organisée le 19 février n’est pas cautionnée par les associations (au contraire de celle du 26 février).
 
« Une question s’impose à nous de manière pressante : Ilan est-il mort parce que juif ? […] Le gouvernement doit fournir la vérité à notre pays. Je demande à votre gouvernement de nous fournir la vérité, rien que la vérité, toute la vérité sur cette affaire et notamment sur les motivations des assassins. (20 février2006) » Quant à Joseph Sitruk, le grand rabbin de France, il déclare : « Désormais pour la France, il y aura un avant Ilan et un après Ilan. Je m’adresse à tous les Français pour leur demander aujourd’hui de se lever tous comme un seul homme et crier : ça suffit, non la France n’a pas perdu son âme. Elle doit être le pays des Lumières qu’elle a toujours été. ». Il souligne « le caractère exceptionnel, voire unique de la présence conjointe du président et du Premier ministre et des plus hautes autorités de l’État ».
 
L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) s’émeut : « Nous voulons que toute la lumière soit faite sur le meurtre d’Ilan Halimi pour déterminer la nature et les motivations de cet acte sans en masquer, s’il y avait lieu, le caractère antisémite […]. Il est impératif que les pouvoirs publics mettent tout en œuvre pour arrêter les coupables de [cet] assassinat et déterminent la nature et les motivations de cet acte sans en masquer, s’il y avait lieu, le caractère antisémite. [Mais] ce crime ne doit en aucun cas être le prétexte d’actes de vengeance et de violence à caractère raciste, tels qu’ils ont pu se déchaîner lors de la manifestation qui a eu lieu le dimanche 19 février à Paris. Cette manifestation ne répondait à aucun appel organisé. Ne nous laissons pas entraîner à une confrontation dégradante des communautés qui serait un danger pour la République. »
 
Dans la communauté musulmane
 
C’est par la voix de Dalil Boubakeur, le recteur de la Mosquée de Paris, comme toujours qu’elle s’exprime. À son habitude, il réagit fortement et se déclare « horrifié par l’ignoble acte de barbarie dont a été victime le jeune Ilan Halimi, enlevé, torturé et lâchement assassiné par ses tortionnaires [;] c’est avec une vive émotion que nous exprimons notre solidarité à sa famille. […] Nous condamnons ce crime avec la plus grande fermeté, d’autant plus que sont évoquées de possibles motivations antisémites.»
 
Dans les associations antiracistes et les syndicats
 
SOS Racisme fait part de sa vive émotion : « La propagation de stéréotypes racistes dans la société française est le signe dangereux de la disparition des repères antiracistes chez un grand nombre de personnes. Si le caractère raciste était confirmé, nous nous retrouverions dans une situation inédite en France depuis des années : l’assassinat, la séquestration et la torture d’une personne en fonction de son appartenance ethnique. Dans ce cas, c’est toute la société française qui serait interpellée. Le degré inhumain atteint dans cette affaire appelle un sursaut des citoyens. Si ce sursaut n’a pas lieu nous prenons le risque que notre société évolue dans le sens d’une confrontation des populations. La justice doit faire toute la lumière sur cet assassinat ignoble et souhaite que toute l’émotion qui nous étreint s’exprime dans le calme.»
 
Le MRAP, dans un communiqué de son président, Mouloud Aounit, déclare : « Après le meurtre du jeune Ilan Halimi, torturé par un gang de Bagneux, le MRAP vient d’apprendre selon certaines sources judiciaires que la thèse du crime raciste est retenue pour un des suspects. Pour le MRAP, si la cruauté et la monstruosité des barbares auteurs de cette forfaiture est inqualifiable, le mobile raciste doit être considéré comme une circonstance aggravante. Aussi, le MRAP portera plainte et se constituera partie civile dans le cadre de l’instruction. Me Gérard Taïeb, avocat, engagera les poursuites adéquates. » La CGT exprime « son émotion » et dit qu’elle enverra une délégation à la « marche silencieuse de solidarité », organisée par « plusieurs organisations antiracistes » à Paris. Elle appelle par ailleurs à la « vigilance », dans un « climat d’émotion légitime », face aux « tentatives d’instrumentalisation des peurs et des angoisses à des fins partisanes ou politiques ». Reste à interpréter cette dernière phrase, car qui pourrait instrumentaliser le meurtre d’Ilan ? Enfin, le syndicat assure que pour combattre toutes les formes de racisme, « il faut s’attaquer à l’insécurité sociale, promouvoir la solidarité et la démocratie, refuser les oppositions entre les communautés. Ce n’est pas le sens de plusieurs projets gouvernementaux ni de déclarations ministérielles qui ont alimenté les tensions dans les quartiers les plus défavorisés. »
 
Le procès en première instance, le verdict et l’appel
 
Ce n’est que le 29 avril 2009, à la fin de l’instruction, que s’ouvre le procès des membres du Gang des Barbares devant la cour d’assises des mineurs de Paris. C’est un procès important qui se tient selon les règles de publicité restreinte, car certains des accusés sont mineurs au moment des faits.
 
Dès la première audience, Youssouf Fofana se livre à d’intolérables provocations. Tout sourire, il lance, le doigt en l’air, « Allah vaincra ». Lorsqu’on lui demande son identité et sa date de naissance, il répond « Arabe, Africain, islamiste et salafiste » et dit être né le 13 février 2006 à Sainte-Geneviève-des-Bois – date et lieu de la mort de sa victime. C’est pourtant au cours des audiences que Youssouf Fofana avoue pour la première fois, devant les juges de la cour d’assises de Paris, être l’auteur de l’assassinat du jeune homme : « Vous savez bien que je l’ai fait et vous savez que j’ai agi seul », déclare-t-il lors de la déposition des deux médecins légistes qui ont examiné le corps.
 
Fofana reconnaît avoir versé un liquide sur le corps d’Ilan et l’avoir enflammé avec un briquet. De fait, l’autopsie a révélé sur l’ensemble du corps des brûlures causées par de l’alcool à brûler.
 
Le 11 juillet 2009, Youssouf Fofana est condamné à la peine maximale, la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans. L’accusé renonçant, après avoir hésité, à faire appel de cette condamnation, elle devient donc définitive. Les verdicts prononcés à l’encontre des autres prévenus vont de 18 ans de prison ferme à l’acquittement. Sur son blog[4], la journaliste Elsa Vigoureux rapporte qu’aux alentours de 22 heures, alors que régnait dans le box une grande angoisse, la cour d’assises des mineurs rend sa décision. Les peines sont les suivantes :
 
Youssouf Fofana : Perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans.
 
Jean-Christophe Soumbou : 18 ans de prison.
 
Samir Aït Abdelmalek : 15 ans de prison.
 
Jean-Christophe G., mineur au moment des faits : 15 ans de prison.
 
Nabil Moustafa : 13 ans de prison.
 
Cédric Birot Saint-Yves : 11 ans de prison.
 
Yahia Touré Kaba : 11 ans de prison.
 
Fabrice Polygone : 11 ans de prison.
 
Christophe Martin-Vallet : 10 ans de prison.
 
Jérôme R. : 10 ans de prison.
 
Emma Yalda, mineure au moment des faits : 9 ans de prison.
 
Tifenn Gourret : 9 ans de prison.
 
Gilles Serrurier : 9 ans de prison.
 
Alexandra Sisilia : 8 ans de prison.
 
Francis Oussivo N’Gazi : 7 ans de prison.
 
Guiri N’G : 6 ans de prison.
 
Franco Louise : 5 ans de prison.
 
Sabrina Fontaine : 3 ans de prison.
 
Jérémy Pastisson : 3 ans de prison.
 
Alcino Ribeiro : 8 mois de prison.
 
Christine G. : 6 mois de prison avec sursis.
 
Audrey Lorleach : 2 ans de prison, dont 16 mois avec sursis.
 
Leïla Appolinaire : 6 mois de prison avec sursis, avec effacement du casier judiciaire.
 
Isabelle Mensah : 6 mois de prison avec sursis.
 
Muriel Izouard : Acquittée.
 
Alassane D. : Acquitté.
 
La réaction de la défense
 
Un ensemble de peines qui se situent globalement légèrement en dessous de celles requises par l’avocat général, Philippe Bilger, mais qui en respectent l’esprit. Avec deux écarts un peu plus importants : Franco Louise écope d’une peine deux fois moins élevée que celle suggérée par l’avocat général (5 ans) ; Samir Aït Abdelmalek est condamné à 15 années de détention alors que l’avocat général en avait requis 20. Selon Elsa Vigoureux, aucun des accusés n’envisage de faire appel[5].
 
À l’énoncé du verdict, les parties civiles réagissent sans tarder. Au pied même des escaliers de la cour d’assises, l’avocat de la famille Halimi, Me Francis Szpiner, déclare : « La peine de prison à perpétuité assortie de 22 années de sûreté pour Youssouf Fofana est juste. La cour a cependant été particulièrement indulgente avec les autres accusés. Ce crime est un défi pour la République et la société française. La répression aurait, en conséquence, dû être exemplaire. Vous le savez, les parties civiles ne peuvent pas faire appel. J’invite donc le garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, à demander au parquet général de faire appel de cette décision s’agissant de ceux qui ont participé à l’enlèvement d’Ilan Halimi. Le ministre doit agir en conséquence. Les peines sont inférieures aux réquisitions de l’avocat général qui n’étaient déjà pas d’une énergie extrême. L’intérêt des deux mineurs l’a emporté sur l’intérêt général. »
 
Me Muriel Ouknine-Melki, une autre avocate, exprime sa déception :
 
« Je me sens complètement solidaire des déclarations de maître Szpiner. On attendait des peines plus fermes et sans équivoque pour certains, nous ne les avons pas eues. Nous restons toujours dans l’attente d’une réponse que nous n’avons pas reçue. La décision ce soir ressemble fort à un point d’interrogation. Pour moi, la circonstance aggravante pour antisémitisme à l’égard du mineur à l’époque des faits, Jean-Christophe G., n’a pas joué son rôle en termes de quantum de peine. Elle n’a pas été prise en considération à son juste niveau, alors qu’elle était pour nous un enjeu majeur. Il ne s’agissait pas d’instrumentaliser un procès, mais bien de répondre à la question de l’antisémitisme des banlieues qui a permis d’arriver à ce crime. Mais en ce qui me concerne, cette affaire s’arrête là.
 
Quant à Xavier Filet, avocat de la petite amie d’Ilan Halimi, il déclare : « Ma cliente est déçue par le verdict. […] Je considère que cette décision est un jugement en trompe-l’œil. Youssouf Fofana a pris le maximum et c’est bien normal. Mais pour les autres, les petites mains, j’estime que c’est peu cher payé. Avec le jeu des remises de peines, certains accusés auront passé plus de temps en prison avant le procès qu’après… »
 
Mais la recherche de la polémique à tout prix enfle. Ainsi l’avocat Patrick Klugman (qui n’intervient pas en tant que conseil dans le procès), critique le choix de Philippe Bilger comme avocat général, notant : « [Ce] choix n’était certainement pas innocent. On lui concédera volontiers d’immenses qualités sans pour autant ignorer qu’il est l’un des plus farouches adversaires de la loi Gayssot. » Et, la polémique grossit encore. Dans un article publié par Le Nouvel Observateur, le 23 juillet 2009, Francis Szpiner qualifie l’avocat général, dont le père passe pour avoir été collaborateur, de « traître génétique » – d’où la demande adressée par le procureur général de Paris, Laurent Le Mesle, au bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre de Francis Szpiner. Les rancœurs semblent tout à coup l’emporter sur le fond de l’affaire…
 
Du côté de la défense, les réactions devant le jugement sont, bien sûr, moins enflammées.
 
Pour l’avocate de Jean-Christophe G., Me Martine Scemmama, il prend parfaitement la mesure du malaise que soulève l’affaire : « Ce verdict est une vraie leçon de lucidité et de responsabilité adressée à tous les accusés. J’ai le sentiment que l’humanité d’Ilan Halimi, bien au-delà de son statut de victime, a été reconnue à l’audience. Parmi les accusés, les uns et les autres l’ont dit : “On a vieilli, on a aussi grandi”. Pour ce qui concerne mon client, Jean-Christophe G., mineur à l’époque des faits, et contre lequel la circonstance aggravante d’antisémitisme a été retenue, j’aurais apprécié qu’on reconnaisse que ce jeune a été emporté par la violence de Youssouf Fofana. » Didier Seban, et Karine de Carvalho, avocats de Nabil Moustafa, appuient cette appréciation : « Un équilibre a été recherché dans les peines. C’est une décision de justice respectable, avec des condamnations proportionnelles aux responsabilités de chacun[6] ». Me Françoise Cotta, pour sa part, s’insurge contre l’hypothèse d’un appel : « Un appel de cette décision ordonné par la garde des Sceaux ne tient pas debout. Rien ne le justifierait, si ce n’est un motif idéologique, dans la mesure où la cour a suivi les réquisitions de l’avocat général. » Yassine Bouzrou, avocat de Franco Louise, souligne que « dans l’ensemble, les réquisitions de l’avocat général ont été suivies. Sauf dans certains cas, où la cour d’assises n’a pas du tout soutenu les thèses de l’accusation. Notamment en ce qui concerne mon client, Franco Louise. Celui-ci a été acquitté pour cinq des six infractions qui lui étaient reprochées. Rappelons aussi qu’il fait partie de ceux qui, parmi les 27 accusés dans le box, n’ont rien à voir avec l’affaire Ilan Halimi. La reconnaissance de son innocence pour les tentatives d’enlèvements sur Zouhair W., Jacob G., et Mickaël D., est logique. En matière pénale, le doute doit en effet profiter à l’accusé[7]. »
 
Plusieurs associations, en revanche, déplorent un verdict « indulgent. » À l’unisson, les organisations dénoncent les peines infligées aux principaux complices du rapt. Le CRIF critique d’abord la forme du procès. « Cette tragédie a été aggravée par le huis clos qui a entouré ce procès et qui lui a retiré la valeur exemplaire et pédagogique qu’il aurait dû avoir »[8]. L’institution se dit également inquiète du verdict, nombre des accusés ayant été condamnés à des peines inférieures aux réquisitions. Il espère qu’en cas d’appel, la législation permettra à un éventuel nouveau procès d’être public[9].
 
L’UEJF se montre elle aussi critique envers le huis clos, qui rend le verdict et l’absence de débat prévisibles : « Tout a été mis en œuvre pour éviter soigneusement de tirer les leçons de cette affaire de meurtre antisémite. [Le procès n’a pas été] l’occasion d’un débat public sur la violence potentielle des préjugés [antisémites][10]. » Quant au Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), il dénonce un procès « incomplet», en réclame un nouveau, et juge que la cour d’assises s’est montrée indulgente, notamment à l’égard de la mineure qui a servi d’appât, condamnée à 9 ans de prison. Le BNVCA en la personne de son président Sammy Ghozlan, qualifie cette peine de « dérisoire » et rejoint le comité « Justice pour Ilan », qui lance un appel à manifester devant le ministère de la Justice, le 13 juillet. L’objectif de ce rassemblement est de faire pression sur le ministre, Michèle Alliot-Marie, pour « recommander au procureur général de faire appel de ce verdict insupportable[11] ».
 
L’appel du parquet
 
Le 13 juillet, plusieurs centaines de personnes se rassemblent donc, à l’appel d’organisations juives, devant le ministère de la Justice, place Vendôme. Un hommage est rendu à Ilan Halimi et des remerciements adressés au ministre de la Justice. Les manifestants, dont certains portent des fleurs blanches, des portraits d’Ilan Halimi et des drapeaux français, scandent « Justice pour Ilan » et « Bravo madame Alliot-Marie ! »
 
Cette dernière s’est en effet rendue aux arguments de Me Francis Szpiner, qui, en tant que partie civile, ne peut faire appel du jugement et a publiquement exhorté le ministre d’ordonner au procureur général de Paris de s’en charger. La crainte de voir les victimes se faire elles-mêmes justice a peut-être également pesé dans cette décision… toujours est-il qu’un nouveau procès aux assises, annonce le parquet général, sera organisé pour 14 des 25 complices de Youssouf Fofana.
 
Ce rebondissement de l’affaire enclenche une nouvelle série de réactions. « L’annonce faite par Alliot-Marie est accueillie avec soulagement, c’est une réaction normale par rapport à des peines qui nous semblaient inférieures à ce qu’elles auraient dû être », déclare Meyer Habib, vice-président du CRIF, tandis qu’Arielle Schwab, souhaite « que ce procès soit public et qu’il soit l’occasion d’une prise de conscience collective en France aujourd’hui de ce que veut dire ce crime ». Elle réclame ainsi un débat sur les « conséquences possibles des préjugés, sur la violence de l’antisémitisme qui mène jusqu’à la mort ».
 
En revanche, Christophe Régnard, président de l’Union syndicale de la Magistrature (USM), souligne le risque qu’un second procès soit – selon lui – tronqué : « Quel sens cela va-t-il avoir de faire un procès dans ces conditions-là et sans le principal accusé ? » Si l’appel ne repose que sur la question de la durée des peines, les trois quarts des affaires pénales jugées en assises feront l’objet d’appel. Il juge cela « dangereux et inquiétant pour l’avenir » : « La politique a repris ses droits sur la justice », dit-il, reposant la question de la place des victimes et des parties civiles dans le procès pénal et estimant que l’on se trouve désormais « dans un système où la partie civile peut potentiellement exercer une sorte de vengeance privée[12] ».
 
« C’est absolument scandaleux », dénonce pour sa part Romain Boulet, l’un des avocats de la défense. « C’est une immixtion de l’exécutif dans le judiciaire comme il n’y en a jamais eu, c’est aussi une injonction donnée à la cour d’assises qui rejugera de condamner plus sévèrement. Le politique donne un ordre au parquet contre le parquet lui-même, c’est hallucinant », conclut-il249. « Je ne vois pas en quoi il est scandaleux que Michèle Alliot-Marie exerce un droit qui lui appartient en vertu de la loi », ajoute Hervé Morin, en réponse aux critiques de Me Boulet. Au même moment, le ministre chargé de l’Industrie Christian Estrosi se déclare « très fier d’appartenir à un gouvernement dont le garde des Sceaux a fait appel de cette décision ». « Ce n’est pas une décision politique, c’est la décision de quelqu’un qui est à la tête de la Justice de notre pays, pour la partie parquet qui se doit de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière pénale[13] ».
 
L’appel
 
Le 17 décembre 2010, la cour d’assises d’appel du Val-de-Marne alourdit les peines de sept des dix-sept accusés du Gang des Barbares jugés en appel. La cour prononce des peines allant de huit mois d’emprisonnement à 18 ans de réclusion criminelle, ainsi qu’un acquittement. Elle confirme par ailleurs le verdict prononcé en première instance à Paris en juillet 2009 pour les 10 autres accusés. Les condamnations les plus lourdes (18 ans de réclusion) visent Jean-Christophe Sombou, l’un des ravisseurs, et Samir Aït Abdelmalek, condamné à 15 ans en première instance, et considéré comme le bras droit de Youssouf Fofana. L’un des geôliers d’Ilan Halimi, mineur au moment des faits et seul à être jugé à Créteil avec la circonstance aggravante d’antisémitisme, voit confirmer sa peine de 15 ans de réclusion.
 
La peine à 9 ans de réclusion de la jeune fille qui a servi d’appât, Emma Yalda, est confirmée. Choqué, Me Gilles Antonowicz, son avocat, dénonce un appel « inutile et politiquement scandaleux » organisé sous la pression d’un avocat proche du pouvoir, faisant allusion à Me Szpiner. « L’affaire comporte trois temps : l’enlèvement d’Ilan Halimi, la séquestration et l’assassinat. Et l’assassinat a été commis par Fofana tout seul qui a été condamné à la peine la plus lourde prévue par la loi française. »Francis Szpiner, lui, jubile : « Tous les geôliers ont vu leur peine aggravée », et regrette « l’indulgence » des jurés envers la jeune fille.
 
Dans cette surabondance de polémiques et de déclarations politiques, de réactions multiples et de rebondissements compliqués, nous voulons retenir les larmes d’une mère : celles de Ruth Halimi, écrasée de douleur lors de l’enterrement de son fils, Ilan.
 
Marc KNOBEL,
 
Historien, chercheur, Directeur des Études du CRIF
 
 
 
 
 
Notes
 
1 Cette étude est extraite de notre dernier ouvrage « Haine et violences antisémites, une rétrospective 2000- 2013 » (Paris, Berg International Editeurs, 2013, 350 pages).
2 En 2004, Marie L., une jeune femme de 23 ans avait rapporté aux médias une agression à caractère antisémite dont elle aurait été la victime, une histoire complètement inventée. Une perquisition menée le 14 juillet 2004 au domicile du compagnon de la jeune femme, à Louvres (Val d’Oise), avait en effet permis de retrouver des ciseaux et un feutre-marqueur, avec lesquels Marie s’était coupé elle-même les cheveux et dessiné les croix gammées sur le ventre.
3  Il s’agit, entre autres, de Christian Poncelet, président du Sénat ; Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale ; Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et président de l’UMP ; Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères ; Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication ; Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la Réforme de l’État ; Catherine Colonna, ministre délégué aux Affaires européennes ; Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales ; Lionel Jospin, ancien Premier ministre ; Éric Raoult, vice-président de l’Assemblée nationale ; Serge Blisko, député≈; Bernard Debré, député ; Claude Goasguen, député ; Danielle Hoffman-Rispal, députée ; Arnaud Montebourg, député ; Françoise de Panafieux, députée ; Dominique Strauss-Kahn, député ; Roselyne Bachelot, députée européenne ; Daniel Cohn-Bendit, député européen ; Simone Veil, présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ; François Bayrou, président de l’UDF ; François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste ; Philippe de Villiers, président de Mouvement pour la France ; Bertrand Delanoë, maire de Paris ; Jean-Paul Huchon, le président de la région Île-de-France ; Roger Karoutchi, président du groupe UMP au Conseil régional d’Ile-de-France ; François Fillon, ancien ministre ; Nicole Guedj, ancien ministre ; Pierre Méhaignerie, ancien ministre ; Olivier Stirn, ancien ministre ; Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris ; Arno Klarsfeld ; Claude Lanzman ; André Gluksmann ; Anne Sinclair ; Belcassen Lounes, président du Congrès mondial berbère ; Moustafa Saadi, président de la Coordination des berbères de France ; M. Bellifa, association des fonctionnaires d’origine Nord-Africaine…
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Voir Émilie Frèche et Ruth Halimi, 24 jours, Paris, Seuil, 184 pages.
8 Rappelons ici un point de droit, l’article du CPP : « Article 306 : Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs. Dans ce cas, la cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique. Toutefois, le président peut interdire l’accès de la salle d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux. Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande […]. Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s’applique au prononcé des arrêts qui peuvent intervenir sur les incidents contentieux visés à l’article 316. L’arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique. Par dérogation…, la cour d’assises des mineurs peut décider que le présent article est applicable devant elle si la personne poursuivie, mineure au moment des faits, est devenue majeure au jour de l’ouverture des débats et que cette dernière, le ministère public ou un autre accusé en fait la demande. Elle ne fait pas droit à cette demande lorsqu’il existe un autre accusé toujours mineur ou que la personnalité de l’accusé qui était mineur au moment des faits rend indispensable que, dans son intérêt, les débats ne soit pas publics. Dans les autres cas, la cour statue en prenant en considération les intérêts de la société, de l’accusé et de la partie civile, après avoir entendu le ministère public et les avocats des parties, par une décision spéciale et motivée qui n’est pas susceptible de recours. »
9 Jérôme Bouin, « Affaire Halimi : un verdict qui ne passe pas », Le Figaro, 12 juillet 2009.
10 Ibid.
11 Le Nouvel Observateur, 12 juillet 2009.