#BlogDuCrif - Juifs du Monde : à la découverte des Juifs de... Hong Kong !

25 Juin 2018 | 651 vue(s)
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Opinion

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires !

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Pour vous donner le goût des vacances, le Crif vous fait voyager et lance sur ses réseaux la campagne "Juifs du Monde". Ensemble, partons à la découverte des populations juives du monde, de leurs histoires et de leurs traditions. Aujourd’hui, embarquement immédiat pour Hong Kong !

Habitant depuis une dizaine d’années à Hong Kong, c’est avec intérêt que je me suis penché sur l’histoire de la communauté juive de Hong Kong, son développement, son intégration, ses traditions.

Moi-même, né à Paris, c’est avec curiosité que je regarde chaque communauté juive en diaspora, s’approprier et se fondre dans le pays qui l’héberge. C’est sans doute le maître mot des communautés en diaspora : l’intégration. L’intégration ne signifiant pas automatiquement l’assimilation. Même si cela a été, en partie, le cas à une époque pour les juifs de Chine.

Mais à une vague d’immigration en succède toujours une nouvelle, qui amène ses traditions, qui réveille la communauté précédente établie, en lui rappelant, en la ramenant à ses racines, à ses pratiques du judaïsme.

La Chine n’a pas échappé à la règle. Après plusieurs soubresauts, les juifs de Chine, qui ont failli à une époque disparaître, se sont réveillés, se sont redynamisés, grâce à de nouvelles vagues d’immigrants, venus de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud…

Je fais partie de cette nouvelle vague d’immigrants, avec des grands parents nés en Lituanie, des parents nés en France et moi quittant la France pour m’établir à Hong Kong. Etre juif en diaspora à une véritable signification pour moi. En effet si je suis venu m’établir à des milliers de kilomètres de mon lieu de naissance, à des milliers de kilomètres de ma famille, c’est sans doute avec le désir d’y trouver un vent de renouveau.

Alors que l’Europe est en proie à une montée flamboyante d’antisémitisme, Hong Kong reste un havre de paix et de sécurité pour les juifs qui y résident. Les multiples communautés s’y côtoient en bonne entente. Les actes simples de la vie d’un juif peuvent y être accomplis en toute tranquillité. Etre juif à Hong Kong, c’est aujourd’hui la garantie de pouvoir vivre ses croyances et ses traditions en sécurité. La France qui a accueilli ma famille, a été elle aussi un pays après-guerre, ou être juif pouvait signifier être Français. Mais les temps ont bien changé…

Le port de Hong Kong, si agité, fut par le passé, la porte d’ouverte sur l’Asie, pour les nombreux commerçants venus du monde entier. Parmi eux, certains Juifs y laissèrent leur empreinte et y créèrent le noyau d’une communauté juive.

L’histoire de la communauté juive de Hong Kong démarre aux alentours des années 1840, époque à laquelle le territoire de Hong Kong fut cédé à la Grande Bretagne par la Chine. Les juifs y ont déplacé leurs commerces de Canton et Macau (colonie portugaise) vers Hong Kong.

L’histoire de Hong Kong et celle de sa communauté juive, se confondent aussi autour de deux familles juives qui ont laissé une empreinte durable sur l’histoire économique et sur l’histoire juive de cette île, en particulier, et de l’Asie en général.

La famille Sasson, d’origine séfarade, véritable empire commercial qui connut une expansion à travers toute l’Asie. En 1842, elle étendit ses activités jusqu’à Hong Kong, en même temps que la famille Kadoorie, tout aussi importante et d’illustre ascendance. D’Irak, ils sont partis en Inde à Mumbai et se sont dispersés entre la Grande-Bretagne, la Chine et d’autres pays. La famille s’est distinguée dans le commerce de l’opium entre la Chine et l’Inde.

Les Kadoorie sont des juifs sépharades originaires de Baghdad. La famille s’est ensuite déplacée dans le milieu du 18ème siècle à Mumbai, en Inde, pour devenir plus tard l’une des familles juives les plus illustres d’Asie, puis à Hong Kong et Shanghai en Chine. Elle s’est distinguée dans le commerce de l’opium puis a rejoint, dans les années 1930, le Board des directeurs de la compagnie électrique CLP. La famille a par la suite investi dans l’hôtellerie avec le Peninsula Hotel.

En 1857, la communauté juive fut fondée de manière officielle. La première synagogue de Hong Kong fut établie en 1870, sur Hollywood street. En 1901, une nouvelle synagogue vit le jour, à la mémoire de la mère de Sir Jacob Sasson, « Leah », la « Ohel Leah Synagogue ».

En 1903, Sir Matthew Nathan, issu d’une famille juive britannique, fut le 13ème Gouverneur général de Hong Kong (1903-1907), sous le règne du Roi Edward VII. Il fut éduqué à l’Académie Royale Militaire et fut nommé gouverneur de l’empire Britannique dans plusieurs pays du monde. Durant son mandat de gouverneur du territoire de Hong Kong, il mit en en route des chantiers importants d’urbanisme, afin de réguler la croissance de Hong Kong.

Mais la communauté juive de Hong Kong, ne s’est pas agrandit très rapidement. En effet, une partie de la communauté fut attirée par la ville de Shanghai, notamment entre les années 1910 et 1936. Cependant l’occupation Japonaise de la Chine, allait modifier cette tendance et de nombreux juifs allaient devoir quitter Shanghai, Tianjin et Harbin pour Hong Kong. Puis vint la seconde guerre mondiale : l’invasion Nippone allait suspendre toute activité de la communauté juive à Hong Kong.

A partir des années 1960, la place financière qu’est devenue Hong Kong attire des étrangers du monde entier. Parmi eux, arrivent des juifs des Etats Unis, de Grande Bretagne, d’Australie, d’Israël et du Canada. Cette nouvelle vague d’immigration va redonner un coup de fouet à la communauté juive. Puis dès 1960, Israël noue des relations diplomatiques avec Hong Kong, en y nommant un consul.

De 2,500 Juifs présents dans la ville en 1998, la communauté juive est actuellement estimée à 5 000 Juifs. Aujourd’hui la communauté juive de Hong Kong est très diverse. Elle provient des Etats Unis, du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique. Elle est représentée par quatre courants de pensées, allant des libéraux aux orthodoxes, chaque courant du judaïsme ayant son propre Rabbin.

Mais à la question de pourquoi Hong Kong apporte autant de sérénité à ses ressortissants juifs ? A mon sens, en tant que Français, il faut chercher les raisons dans les racines de l’histoire. L’histoire de la France et de l’Europe à l’égard des juifs a laissé des cicatrices indélébiles. Chaque juif européen a une histoire familiale entachée de sang et de violences. Cette histoire se transmet de génération en génération. Ce qui n’est pas le cas à Hong Kong, la Chine ne s’est jamais attaquée à sa population juive. Il n’y a donc pas, à mon sens, dans la population chinoise cette antisémitisme culturel. Et je dirai même qu’il y a entre les deux communautés, un respect mutuel, avec sur certains aspects un partage des mêmes valeurs.

Yoel Levy, WJC JDCorps, Hong Kong

Le WJC JDCorps, un programme phare du Congrès juif mondial, est un réseau de jeunes professionnels juifs agissant dans le domaine de la diplomatie et de la politique publique. Il regroupe quelques 200 personnes à travers plus de 40 pays. Les membres, connus sous le nom de "Jewish Diplomats" (JD), viennent d'un large éventail de milieux professionnels.