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Publié le 10 Octobre 2008

La médecine au temps des Hébreux Par Bruno Halioua (*)

Décidément, la médecine est à la une de l’actualité livresque, du moins dans le monde juif. Après l’excellent ouvrage du docteur Sydney Ohana sur la chirurgie esthétique (1), Bruno Halioua, dermatologue et historien, chargé d’un cours d’histoire de la médecine à l’université Paris IV, se penche sur la médecine, telle que la pratiquaient les anciens Hébreux.


L’Histoire de la médecine, de son évolution à travers les siècles, de ses réussites et de ses échecs, a longtemps été négligée par les chercheurs. Comme si la pratique d’aujourd’hui n’avait nul besoin d’un regard vers le passé et comme si, se ressourcer aux origines les plus lointaines ne serait d’aucun intérêt pour le praticien de notre époque. Or, rien n’est plus faux et la connaissance du passé peut, au contraire, être non seulement une source précieuse d’informations, mais aussi jouer un rôle de stimulant qui renforce le médecin dans sa mission sacrée inscrite pour toujours dans le serment d’Hippocrate ou celui de Markus Herz attribué à tort, semble-t-il, à Maïmonide.
Bruno Halioua, précisément, fait partie de ceux qui pensent que l’exploration du passé est une nécessité et ses travaux en témoignent (2)
Dans son nouvel ouvrage, il se penche, pour notre plus grand plaisir, sur la pratique médicale au temps de nos ancêtres, les Hébreux, plus particulièrement entre le IIème siècle avant l’ère commune et le VI ème siècle. Hélas, contrairement aux traités de médecine d’Hippocrate et de Galien ou encore aux papyrus médicaux égyptiens, les Hébreux n’ont pas laissé de textes. Un des rares vestiges hébraïques de l’époque concernant la médecine dont nous disposons est une empreinte de sceau retrouvée à Jérusalem en 1982 portant la mention « A Tobshalem, fils de Zakkur, le médecin ». C’est dire que la difficulté est grande pour l’historien qui doit, dès lors, explorer par le menu le texte biblique, l’immense Talmud, l’œuvre de l’incontournable Flavius Josèphe et les travaux, certes rares, de ceux qui ont eu, à travers les siècles, de Maïmonide à Samuel Kottek en passant par Julius Preuss, Joshua Leibowitz et Isidore Simon, la passion de se pencher sur ce sujet.
Divisé en quatre parties, le livre de Bruno Halioua se distingue par des paragraphes courts et précis, excellemment rédigés qui nous permettent d’embrasser, au fil d’une lecture toujours agréable, toutes les facettes de la médecine que pratiquaient les Hébreux. L’hébraïsant, par ailleurs, se réjouira de voir tous les termes techniques donnés dans leur expression originelle.
Le médecin hébreu, parfois désigné par le terme araméen de assia est couramment appelé rofé, le « calmeur » ou le « répareur » . Il se doit d’être neeman verakhaman, de confiance totale et charitable, aimant, selon la fameuse formule de Hillel, son patient comme lui-même.
A notre étonnement, les maux les plus divers et les plus graves sont traités déjà , à l’époque : les plaies et abcès de tous ordres, certes, les problèmes dentaires et les brûlures, mais aussi les maladies cardiovasculaires, l’infertilité, les accouchements difficiles et les césariennes, la lipectomie dont la première dans l’Histoire est réalisée sur un rabbin obèse du nom d’Eléazar,
Et si l’équipement du praticien est rudimentaire, il n’en est pas moins, déjà, témoin d’un certain professionnalisme : la throunthèque, entendez la trousse médicale, contient en général un bistouri, une lancette, des ventouses, un trépan, des pinces, des crochets, des pansements et des bandages.
Des sujets très actuels préoccupent déjà, il y a deux mille ans, nos ancêtres : la responsabilité médicale, la médecine de proximité, l’évaluation des honoraires
(« Un médecin qui soigne pour rien ne vaut rien » affirme le Talmud), la médecine judiciaire et pénitentiaire, la chirurgie réparatrice relative surtout aux blessures et aux mutilations de guerre, la diététique, l’hygiène sanitaire, la balnéothérapie, la thalassothérapie, la médecine du sport, les soins corporels, la pollution des eaux, la protection de l’environnement, les dangers de l’abus d’alcool ou encore la contraception. On se penche déjà, à l’époque, il faut le souligner, sur le statut de l’embryon.
Les spécialistes, chirurgiens et anatomistes, dentistes, sages-femmes et vétérinaires, ne sont pas oubliés dans ce livre remarquable qui mérite de figurer dans toutes les bibliothèques des médecins, juifs ou non et dans celles de tous les honnêtes hommes, curieux des sujets les plus enrichissants. A lire absolument.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Liana Levi. Septembre 2008. 288 pages. 24 euros
(1) Histoire de la chirurgie esthétique. De l’antiquité à nos jours. Editions Karen. 2008. Voir notre recension du 22-08-09.
(2) Lire notamment Histoire de la médecine. Editions Masson 2001-2004 et La médecine au temps des Pharaons. Editions Liana Levi. 2002.
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