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Publié le 23 Mai 2012

Suède : Le double langage des imams

«Que faire si mon mari me bat ? Dois-je contacter la police ? Ai-je le droit de refuser de faire l’amour avec mon mari ? Que faire si celui-ci a plusieurs femmes ?» Ces questions, les journalistes de la télévision publique suédoise, aidés de deux musulmanes en niqab jouant le rôle de femmes en quête de conseils, les ont posées à une dizaine d’imams à travers la Suède. Leur constat, diffusé mercredi 16 mai, a suscité un vif débat dans le pays, et tient en deux mots : double langage. Le pays compte 400000 musulmans pour une population de 9,5 millions d’habitants.

L’une des femmes qui a participé à l’enquête avec une caméra cachée, elle-même originaire d’un pays musulman, s’est dite «étonnée de l’indifférence des politiciens suédois».

 

Face caméra, le discours est policé, conforme aux valeurs prônées dans le Royaume. Oui, il faut porter plainte en cas de violences conjugales ! Non, un mari ne peut avoir plusieurs femmes ! Lorsque la caméra est dissimulée, le discours change. Dans deux mosquées sur les dix visitées, le religieux consulté conseille de contacter la police. Les autres estiment que l’affaire doit être réglée au sein de la famille. Contrairement à ce qu’imaginaient les enquêteurs, c’est dans la mosquée censée accueillir les musulmans les plus fondamentalistes qu’on leur conseille sans hésitation de porter plainte contre le mari violent. Dans neuf mosquées sur dix, les imams estiment que, dans certaines circonstances, un homme peut se marier plusieurs fois.

 

Autre décalage mis en avant par le documentaire, celui entre les discours des responsables politiques vantant les bienfaits du multiculturalisme et la réalité d’habitants des quartiers à population musulmane harcelés s’ils ne respectent pas certains codes religieux. L'une des femmes qui a participé à l'enquête avec une caméra cachée, elle-même originaire d'un pays musulman, s'est dite "étonnée de l'indifférence des politiciens suédois".

 

Réactions politiques

 

Les auteurs du reportage se sont dits conscients que leur sujet ferait le bonheur des extrémistes, mais ils ont estimé que l'autocensure aurait été une trahison pour la majorité des musulmans qui défendent les droits égaux de l'homme et de la femme.

 

Les mosquées visitées, qui perçoivent des allocations et s'engagent à promouvoir les valeurs de la société suédoise, sont désormais l'objet de nombreuses critiques. La Fédération islamique a pris ses distances avec les réponses des imams interrogés, évoquant des "fautes professionnelles". Le ministre chrétien-démocrate des affaires civiles, Stefan Attefall, a dit que l'on pouvait envisager de retirer le soutien public à ces mosquées, tout en mettant en garde contre le risque de précipitation. Le ministre libéral de l'intégration, Erik Ullenhag, a enjoint aux religieux de faire le ménage eux-mêmes.

 

Article d’Olivier Truc, correspondant à Stockholm du Monde, publié dans l’édition du 20 mai 2012.