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Le Point.fr : Comment avez-vous reçu les discours tenus lundi à l'Élysée et à Sarcelles ?
Haïm Korsia : C'était un moment nécessaire pour la communauté nationale, qui avait besoin de manifester l'idée d'une solidarité entre toutes ses composantes, de dire qu'il y a des choses inacceptables. On peut défiler pour défendre telle ou telle cause, mais il est intolérable de le faire dans la violence et dans la haine. La communauté de Sarcelles, la tradition de "vivre ensemble" de cette ville, a été bousculée, fracassée dimanche.
Les représentants du culte musulman ont-ils, à vos yeux, été suffisamment clairs ?
Ce n'est pas à eux seuls de s'exprimer, c'est bien là l'enjeu aujourd'hui. Ceux que l'on a vus dans les rues brûler et piller des commerces sont agités par des groupuscules qui n'ont rien à voir avec un islam revendiqué. L'imam Chalghoumi l'a d'ailleurs très bien dit : ils ne sont pas dans le soutien réel à telle ou telle cause, ils ne sont pas musulmans, ils manifestent uniquement un rejet du système et une haine des Juifs. Il faut oser le dire pour le combattre : il ne s'agit pas d'être alarmiste, mais de faire un constat juste pour poser ensuite des méthodes de travail, d'éducation, de fermeté afin qu'il existe un "vivre ensemble" serein, ce qui est la vocation profonde de la France. Je l'ai dit, peut-être un peu brutalement : il n'y a pas là de guerre de religions, mais des Français qui ont attaqué d'autres Français. Le projet de la République, c'est de montrer que les différences religieuses ne sont pas des différences telles qu'elles nous empêchent de vivre ensemble. Je l'ai parfaitement vécu tout au long de ma vie, dans les communautés où j'ai servi comme dans les armées. Il serait inadmissible que ça ne se fasse plus ici ou là parce que 100 ou 200 casseurs se rassemblent dans la haine d'une des composantes de la société.
Redoutez-vous les manifestations à venir ?
Non. Je fais confiance aux préfets et au Ministre, il y a manifestement des différences entre les parcours et les niveaux d'encadrement. Je suis surpris en revanche que des élus aient pu défiler avec leur écharpe dans des manifestations interdites. Il est incompréhensible que certains narguent ainsi la République qu'ils sont censés incarner.
Il a beaucoup été question après les événements du dialogue interreligieux, auquel vous êtes attaché. Comment prévoyez-vous de le faire vivre ?
Je pense qu'il faut impérativement que, dans les écoles, les jeunes puissent rencontrer des membres d'un autre culte, échanger avec eux, découvrir leur façon de vivre les moments de la vie, de l'année. La religion de l'autre ne doit pas être un mystère, une altérité radicale, mais une autre forme d'humanité aussi respectable. J'ai commencé à mener ce projet pour les écoles juives et nous allons le poursuivre. Mais je crois que dans les écoles publiques aussi ce type de rencontres doit pouvoir être organisé. Cela, dans la même logique qui conduirait à faire de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme une grande cause nationale, avec un délégué interministériel qui coordonnerait les différents programmes. Il faut en revenir à l'essentiel, au coeur de ce qu'est le projet républicain : nous sommes tous des citoyens, et il y a une seule communauté qui vaille : la communauté nationale. Le prophète Isaïe disait "ma maison sera une maison de prière pour tous les peuples". Il y a là une espérance commune, que la République nous donne à vivre. Nous avons, tous, à la protéger contre ceux qui veulent sa fin.
La "grande cause nationale" évoquée doit donc, pour vous, porter sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, et non spécifiquement l'antisémitisme ?
Il y a une spécificité de l'antisémitisme. Mais il faut voir les choses telles qu'elles sont : lorsqu'on engage des moyens pour lutter contre l'antisémitisme, on donne l'impression qu'il y a deux poids, deux mesures. Ce qui est faux : il suffit de comparer le nombre de Juifs en France et le nombre d'actes commis contre eux pour constater que la disproportion est terrifiante. En réalité, il faut lutter contre tout rejet de tel ou tel. C'est bien la lutte contre le racisme globalement, mais avec la spécificité de l'antisémitisme, qui doit devenir une grande cause nationale. Le Président Chirac a réussi par ce biais à diviser par trois le nombre de morts sur les routes ; la lutte contre le cancer a abouti à de grands résultats. Il faut oser dire aujourd'hui qu'il y a là un enjeu majeur de société. La volonté politique est là, en témoignent les mots extraordinaires du Président, du Premier ministre, du Ministre de l'Intérieur. Il faut maintenant du concret… Lire la suite.