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Publié le 18 Septembre 2015

« Les victimes du terrorisme »

Les actes terroristes survenus les 7, 8 et 9 janvier 2015 à Paris et en région parisienne ont fait basculer la perception collective du terrorisme...

Par Maître Catherine Pompidou, Docteur en Droit International Public et Avocat au Barreau de Paris, et Stéphane Lacombe, Responsable Projets – Communication pour l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT.org), p)ublié sur le site de l'AfVT le 10 septembre 2015
Comment définir les victimes du terrorisme ?
La Convention européenne du 10 janvier 2000 pour la répression du financement du terrorisme propose une définition générique du terrorisme : « Tout acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque par sa nature ou par son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ».
Le terrorisme demeure un instrument de conflictualité utilisé par des acteurs non-étatiques (groupuscules, organisations clandestines, structures paramilitaires, criminalité organisée) mais également par des institutions étatiques non-démocratiques.
Il demeure un processus complexe car il concentre en son sein de multiples composantes : humaines, sécuritaires, politiques, médiatiques, juridiques, judiciaires, sociétales, stratégiques, militaires, sémantiques. Ce caractère hybride nécessite de déterminer en amont un cadre de réflexion autour des victimes qu’il affecte.
Les personnes touchées par une action terroriste, quel que soit le mode opératoire employé, sont des outils pour frapper la collectivité et exercer un chantage sur la société civile et l’État.
Toute victime du terrorisme est porteuse d’un double-statut symbolique qui relève du paradoxe : elle incarne à la fois l’horreur pouvant discréditer la cause au nom de laquelle le terroriste agit et l’échec de l’État qui n’a pas su assurer la sécurité de ses citoyens. C’est la raison pour laquelle le terroriste déshumanise sa victime avec une arrogance rarement feinte. Il est frappant de relever le champ lexical commun à toutes les organisations terroristes, malgré les différences idéologiques et culturelles qui existent entre elles : dans leur communication, une victime est ainsi désignée comme une « cible », un « objectif », un « symbole », un « dommage collatéral », un « porc », un« apostat », un « traître », un « ennemi des travailleurs », un « bourreau », un « oppresseur », un « sioniste », etc. Les qualificatifs permettent de catégoriser les victimes et de faire d’elles des entités impersonnelles.
Les actes terroristes survenus les 7, 8 et 9 janvier 2015 à Paris et en région parisienne ont fait basculer la perception collective du terrorisme vers deux pôles antagonistes : un déni nourri par la diffusion de contenus conspirationnistes et une méconnaissance par la société civile, mais aussi par les pouvoirs publics, des besoins des victimes.
Les victimes du terrorisme sont multiples
Les victimes directes sont toutes les personnes qui se trouvent sur les lieux de l’attaque, qu’elles aient été visées personnellement (ex : assassinat de Georges Besse, PDG de Renault, par le groupe Action directe, le 17 novembre 1986), aveuglément (ex : attentat du RER B à la station Saint-Michel par la filière française du GIA algérien, le 25 juillet 1995), comme membre(s) d’une communauté (ex : assassinat de trois enfants et d’un adulte au collège-lycée juif Ozar Hatorah à Toulouse, le 19 mars 2012) et en tant que « symboles » de l’État (ex : assassinat de trois militaires à Toulouse et Montauban, le 11 et le 15 mars 2012). Cette dénomination inclut les personnes blessées et/ou retenues en otage, les rescapés qui n’ont pas de blessure corporelle, quel que soit le mode opératoire des terroristes, et toutes celles qui ont eu à subir des menaces et des pressions physiques ou psychologiques en lien avec une entreprise terroriste (ex : extorsion de fonds avec violence par l’organisation terroriste basque ETA auprès de centaines de victimes – procès du 12 mai au 12 juin 2014 à la Cour d’Assises spéciale de Paris suivi par Maître Géraldine Berger-Stenger pour l’AfVT.org).
Les victimes par ricochet sont issues du premier cercle des proches. Ces victimes ont un profil hétérogène car la manière dont elles sont impactées découle avant tout de la nature des liens avec les victimes directes. Les membres de la famille (parents, grands-parents, épouse, mari, frère(s) et sœur(s), enfants, filleul, tuteur…) ainsi que les amis proches, certains collègues de travail, sont les premiers touchés. Dans certains cas, les victimes directes n’ont pas subi de blessure corporelle mais leurs « aidants naturels » ont besoin d’accompagnement pour gérer les conséquences émotionnelles du trauma. Ces besoins sont plus difficiles à identifier par les pouvoirs publics car certaines victimes par ricochet peuvent mettre des mois, voire plusieurs années à se manifester. Ces victimes souffrent fréquemment du complexe de la culpabilité du survivant.
Les victimes sociétales recoupent toutes les composantes de notre société car les terroristes cherchent à désorganiser, voire détruire, la structure de l’espace social, perturbant la collectivité par des actes de violence circonscrits et peu susceptibles, au premier abord, d’avoir un impact sur la population. Bien évidemment, il n’en est rien. Les exemples sont tellement nombreux qu’on ne peut les énumérer mais il suffit d’en retenir deux : les citoyens qui deviennent incapables de prendre les transports publics suite à un attentat, et l’impact psychologique ressenti par les personnels qui sont présents sur les lieux de l’attentat : policiers, pompiers, intervenants des services d’urgence, bénévoles… qui constituent le premier sas d’intervention de la société.
Les victimes et la remémoration : la séquence des attentats de janvier 2015 a réactivé le stress post-traumatique de certaines victimes d’attentats récents, voire très anciens. L’identification quasi-immédiate, parfois obsessionnelle, avec l’ensemble des victimes frappées par le terrorisme est une constante chez les victimes directes. De même, chaque catastrophe aérienne, qu’elle soit liée ou non à des faits de terrorisme, a un impact émotionnel spécifique sur les victimes ayant perdu un proche dans un avion touché par un attentat. Seule une association spécialisée dans le suivi à long terme des victimes du terrorisme est à même de réagir rapidement pour canaliser ce surinvestissement émotionnel qui peut surgir y compris chez des personnes considérées comme résilientes.
La temporalité de la victime
L’objet de notre propos vise à expliciter l’impact de la temporalité sur la victime, exposé en trois temps :
- Les besoins à court terme.
- Les demandes à moyen terme.
- Les enjeux à long terme.
Seule l’articulation de ces trois séquences entre elles permet de construire un accompagnement personnalisé, une prise en charge de la victime dans sa globalité.
Les besoins à court terme
L’état de choc psycho-traumatique
L’irruption de la violence terroriste peut être assimilée à une effraction psychique, au-delà des blessures physiologiques qu’elle peut provoquer chez les victimes directes. Lorsque l’attaque se produit, de multiples émotions peuvent surgir : la douleur, l’effroi, la terreur, la sidération, la perte de repères spatio-temporels… L’identité psychique de la personne vacille, des mécanismes de défense se mettent en place selon les dispositions de chacun. Ce changement est d’une brutalité inouïe et se manifeste selon les individus à un degré plus ou moins variable.
À l’échelle individuelle, il ne peut donc exister de classification selon laquelle il faudrait distinguer des personnes qui seraient « fortes » et d’autres qui seraient « fragiles » par essence. Le stress post-traumatique peut affecter autant le PDG d’une grande entreprise, habitué à vivre avec de lourdes responsabilités et une pression permanente, qu’un modeste employé ou une personne supposée « sensible ». Par ailleurs, des traumas antérieurs peuvent être réactivés, sans que cela permette de réduire la victime à une somme de traumas dont l’attentat ne serait qu’une composante. En effet, stigmatiser la victime la maintient dans un processus de victimisation pathologique et l’empêche de se reconstruire. La prise en charge psychologique est indispensable et ne peut se réduire à une option ou une formalité. La victime a besoin d’un suivi personnalisé tenant compte de ses spécificités afin de l’aider à surmonter les premiers symptômes du stress post-traumatique.
La gestion des médias
La volatilité et le morcellement de l’information en continu alimentent le phénomène de confusion émotionnelle chez les victimes. Lors d’un attentat, à partir du moment où elles sont identifiables, elles subissent une surexposition médiatique, faisant l’objet de nombreuses sollicitations et de manœuvres transactionnelles. Cette intrusion des médias est perçue dans la quasi-totalité des cas comme une violence supplémentaire infligée non seulement à la victime mais aussi à ses proches. Dans ce contexte, le trauma subi se réduit à un élément transactionnel qui achève de déshumaniser la victime dépouillée de son intimité. Plusieurs otages de la supérette Hyper Cacher, attaquée le 9 janvier 2015 à Paris, ont pu se revoir à la télévision ou en couverture de certaines publications à un moment de terreur et d’angoisse qui n’aurait dû appartenir qu’à eux. Ces mauvaises pratiques ne sont pas récentes car, même lorsque l’information n’était pas diffusée par les canaux numériques, la presse écrite était avide de photos spectaculaires révélant de manière crue des victimes gisant au sol, qu’elles soient blessées ou décédées. Des victimes grièvement atteintes comme Colette Bonnivard (1) lors de l’attentat de la rue de Rennes, à Paris, le 17 septembre 1986, ont ainsi vu leur photo en une alors qu’elles se trouvaient dans un état de grande vulnérabilité. Le fait de pouvoir se réapproprier son image est une première étape dans la reconstruction de la victime. Avec le caractère viral de la Toile, il est impossible de disposer d’un contrôle total de son image mais la victime doit pouvoir choisir de s’exprimer publiquement dans les meilleures conditions, de préférence avec une tierce partie comme une association qui adopte des règles déontologiques claires à son égard. Les cas de victimes qui finissent par céder aux innombrables sollicitations des médias et voient leur trauma réactivé sont fréquents.
Les contraintes administratives
Au lendemain d’une attaque terroriste, la victime se trouve écartelée entre deux réactions contradictoires. Dans un premier temps, elle ressent le besoin de se mettre en retrait afin d’amorcer un travail de deuil ou de défense (protéger sa famille et ses proches, prendre du recul, gérer les angoisses et les symptômes du trauma). À son corps défendant, elle se trouve confrontée aux contraintes du quotidien, aux démarches administratives à accomplir. Des situations absurdes peuvent également surgir dans l’application à la lettre de clauses contractuelles ne prenant pas en compte le risque d’attentat au niveau des assurances. A titre d’exemple, deux victimes blessées par balles dans l’attaque du musée du Bardo à Tunis (2) avaient planifié un second voyage, peu de temps après l’attentat. Malgré de multiples relances, elles n’ont pas pu obtenir, à ce jour, le remboursement de ce voyage qu’elles n’étaient pas en état, ni physiquement, ni émotionnellement, d’accomplir. L’organisme concerné a proposé un remboursement s’élevant à environ 25 % du coût après avoir inclus des « frais de dossier » (pénalités) et a argué du fait que les victimes auraient dû annuler ce second voyage le jour de « l’accident », c’est-à-dire l’attentat…
Il est fréquent que la victime ait des difficultés à hiérarchiser les priorités administratives : situation vis-à-vis de l’école, de l’employeur, des organismes de santé et des pouvoirs publics, attestations médicales, factures… Certaines victimes ont besoin d’une forme de « rééducation administrative » car le simple fait d’ouvrir le courrier et de traiter les demandes qui lui parviennent devient un facteur d’angoisse insurmontable.
Le rôle des associations de victimes est de les assister, quitte à le faire de manière présentielle, à leur domicile.
Le statut de pupille de la Nation
L’adoption par la Nation fait partie intégrante des démarches à entreprendre pour les familles touchées par un acte terroriste. Ce statut s’applique aux personnes suivantes :
- les orphelins de moins de 21 ans dont le père ou la mère est décédé suite à un acte de terrorisme, à condition que les parents soient de nationalité française ;
- les enfants de moins de 21 ans eux-mêmes victimes d’un acte de terrorisme ;
- les enfants de moins de 21 ans dont le père ou la mère est indemnisé par le Fonds de Garantie des actes de terrorisme, sous certaines conditions ;
- les enfants des victimes nés dans les 300 jours après un acte de terrorisme.
Ce statut permet d’obtenir une aide pour les études, les vacances et l’exonération des droits de scolarité ainsi qu’un suivi social sur le long terme. Pour cette démarche, il est fortement recommandé d’envoyer son dossier à l’organisme en charge des pupilles, l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ONACVG) qui travaille en relation étroite avec les associations de victimes et transmet les dossiers au Tribunal de grande instance. Les droits prenant effet au jour de la demande, il est donc important d’accomplir cette démarche le plus rapidement possible. Certaines familles doivent réagir dans l’urgence lorsqu’un de leurs enfants a atteint pratiquement l’âge limite pour l’adoption par la Nation.
Au vu des nombreuses familles touchées par les attentats de janvier 2015, l’Association françaisedes Victimes du Terrorisme a organisé une réunion avec les représentants de l’ONACVG et six familles afin de faciliter les échanges et accélérer les démarches.
Les besoins financiers
L’octroi de ressources financières à court terme est indispensable pour assumer la perte ou la suspension d’activité professionnelle, les frais administratifs et/ou médicaux, les déplacements (notamment pour les victimes qui développent une phobie des transports en commun), les gardes d’enfants supplémentaires, etc.
Quatre semaines après l’attentat – sauf en cas de dysfonctionnement ou de réelle difficulté à localiser la victime – le Fonds de garantie verse une première provision à la victime ou à ses ayants droit afin de faire face aux besoins financiers les plus urgents. Créé en 1951, le Fonds gère l’indemnisation des victimes dans l’intérêt général. Par la loi du 9 septembre 1986, ses missions ont été étendues aux victimes du terrorisme (FGT). Depuis le 6 juillet 1990, ses compétences recouvrent également les autres infractions pénales (FGTI). Cet organisme de droit privé, doté de la personnalité morale, est principalement financé par la solidarité nationale : 3,3 € sont prélevés sur tous les contrats d’assurance de biens, sommes auxquelles s’ajoutent les produits des recours exercés contre les auteurs et les produits de ses placements.
Cette provision octroyée par le Fonds offre une sécurité matérielle à court terme pour les victimes mais ne recouvre pas l’indemnisation en tant que telle.
Quels conseils pour représenter la victime ?
La victime ressent très tôt un besoin de justice et de réparation même si elle peut avoir quelque difficulté à le formuler. Or les associations peuvent agir auprès des victimes dans le cadre du procès pénal.
En effet, l’article 2-9 du Code de procédure pénale stipule que « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, d’assister les victimes d’infractions peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions dans le champ d’application de l’article 706-16 lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée ». En application de ce texte, une association comme l’Association française des Victimes du Terrorisme peut se constituer partie civile dans toutes les affaires de terrorisme dès lors qu’elle l’a prévu dans ses statuts. Cet élément est primordial dans la protection et la promotion des droits des victimes du terrorisme.
Sur le plan administratif, la constitution de partie civile ne requiert aucune complexité et peut être gérée par une association. Sur le plan du conseil, par contre, les choses sont plus délicates. Comment choisir le bon avocat ? La victime peut écouter son entourage qui lui conseille un avocat parmi ses amis, ses relations, ses proches. Faut-il se tourner vers une association spécialisée dans le suivi des victimes du terrorisme avec des avocats désintéressés ? L’Association françaisedes Victimes du Terrorisme se porte partie civile en son nom propre dans tous les dossiers en matière de terrorisme dès lors qu’une enquête est ouverte par le Parquet. L’AfVT.org travaille avec un panel d’avocats qui ont une longue expérience en la matière et se répartissent les dossiers, qu’ils soient liés à des attentats dits « anciens » (ex : attentat de la synagogue de la rue Copernic, le 3 octobre 1980 et l’attentat de la rue des Rosiers, le 9 août 1982) ou récents (ex : attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 à Paris et en région parisienne). Ces professionnels du droit pénal travaillent en général pro bono (3) pour les victimes et adoptent un profil médiatique mesuré. Les victimes doivent être protégées des sollicitations intéressées et garder la liberté de choisir leur conseil tout en étant informées qu’une association de victimes aura plus de poids si leur avocat en charge du dossier représente également les victimes en tant que personnes physiques.
Les demandes à moyen terme
L’apprentissage de la condition de victime
Le temps aidant, dans les mois qui suivent l’attentat, la majorité des victimes amorcent une phase d’introspection intermédiaire et entament le processus de deuil des disparus et de la « vie d’avant ». L’intérêt médiatique commence à retomber, les acteurs de l’État se retirent peu à peu de l’équation car les besoins les plus immédiats sont supposés avoir été remplis. Pourtant, la victime a besoin d’un soutien présentiel qui l’apaise et la rassure. Le paradoxe dans lequel elle se trouve est la sortie de la situation d’urgence : les services publics s’effacent progressivement comme si la victime n’avait plus besoin de soutien et d’attention. C’est précisément le contraire qui se produit. Les démarches administratives initiées dans l’urgence engendrent un certain nombre de bouleversements et/ou de complications qu’il faut pouvoir assumer au cours des mois qui suivent l’attentat : changement de situation vis-à-vis de l’employeur, altération de l’état physique et/ou psychique nécessitant des soins supplémentaires, développement d’une pathologie ultérieure à la convalescence, dégradation des relations avec l’entourage, aggravation du stress post-traumatique…
Les praticiens rencontrés dans l’urgence peuvent également ne plus convenir car la victime, sous le choc, ne jouissait pas de son pouvoir de décision pour adhérer pleinement au travail thérapeutique. Elle peut donc éprouver le besoin de changer de praticien.
Les jeunes affectés par le terrorisme sont particulièrement vulnérables au plan psychologique et leur scolarité peut s’en trouver affectée. Leur participation à des programmes thérapeutiques conçus pour les adolescents et les jeunes adultes peut les aider à surmonter ces épreuves et à se projeter dans un projet de vie d’adulte.
L’Association française des Victimes du Terrorisme a créé deux programmes thérapeutiques destinés aux victimes du terrorisme et pilotés par une équipe de psychologues cliniciens : Projet Papillon et Projet Phoenix.
Le Projet Papillon est un programme thérapeutique prenant la forme d’un séjour organisé et conçu par l’AfVT.org pour accueillir en France dans un gîte agréé un groupe de jeunes victimes du monde entier âgées de 15 à 25 ans. Le Projet Papillon s’est tenu durant l’été 2014 (22 participants) et l’été 2015 (24 participants). Durant 7 jours, les participants se répartissent dans des groupes de parole, des ateliers d’art-thérapie et des activités collectives. Ils passent également un test psycho-clinique en entrée et en sortie de séjour afin de mesurer leur évolution au terme du travail thérapeutique. Un suivi est assuré aux côtés d’associations partenaires qui accompagnent les victimes dans des pays comme l’Algérie, Israël, le Liban, Maroc, la Fédération de Russie, l’Italie.
Le Projet Phoenix est, quant à lui, un programme destiné à des adultes, victimes du terrorisme, réunis sur un site propice au calme et au repos. Le groupe est de taille plus restreinte (entre 5 et 10 participants) et travaille collectivement sur la parole et l’art-thérapie en étant encadrés par des professionnels. Une première édition s’est tenue du 8 au 14 mai 2015.
La victime, un acteur judiciaire ?
Les victimes sont en quête de vérité et expriment le besoin de connaître/comprendre les circonstances de l’acte terroriste :
- qui sont les auteurs ?
- qui sont les commanditaires ?
- pourquoi l’attaque a-t-elle eu lieu ?
- quelles sont les circonstances de l’attaque ?
Afin d’obtenir quelque réponse à ces interrogations, les victimes et leurs proches peuvent saisir la justice en se constituant partie civile et obtenir réparation au terme d’un procès. Cette démarche est laissée à la libre décision des victimes selon une temporalité qui leur est propre.
Dans le cadre de la procédure judiciaire, le procureur de la République qualifie juridiquement les faits et détient le pouvoir de décider de l’opportunité des poursuites à l’encontre d’un individu. Les procédures en lien avec des actes terroristes sont diligentées par des magistrats spécialisés du pôle antiterroriste du Tribunal de Grande Instance de Paris. Le rôle du juge d’instruction est essentiel. Si la vérité judiciaire peut s’avérer partielle, incomplète et fort tardive, le cheminement de l’enquête menée par le juge d’instruction est porteur d’une mobilisation qui participe à la reconstruction de la victime.
La constitution de partie civile est donc une étape essentielle pour la victime : en tant que partie civile, elle a accès au dossier d’instruction et peut participer à la procédure. La victime devient ainsi un acteur judiciaire qui est en mesure de demander tout acte utile à la manifestation de la vérité (audition d’un témoin, interrogatoire d’une partie, expertise, contre-expertise…) tant au niveau de l’instruction qu’au niveau des juridictions de jugement. La victime bénéficie en outre de l’appui des associations qui ont pu se constituer partie civile à ses côtés. Ces dernières permettent de renforcer le poids des victimes en évitant leur isolement. De ce fait, il est important que la victime soit assistée au cours du procès pénal par son avocat pour ce qui relève de la procédure judiciaire et par une association pour le soutien moral qu’elle peut lui apporter ainsi que l’assistance dans certaines démarches. Par ailleurs, la loi du 9 septembre 2002 permet aux victimes du terrorisme de bénéficier d’un avocat dont les frais seront pris en charge par l’aide juridictionnelle, sans condition de ressources.
Au mois de mars 2015, six victimes de l’attaque antisémite de la supérette Hyper Cacher, survenue le 9 janvier 2015 à Paris, ont décidé de porter plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui car un journaliste de la chaîne d’info BFMTV a signalé à l’antenne que des otages restaient cachés dans l’une des chambres froides de l’Hyper Cacher. Il était 14h58, soit un peu plus de deux heures avant l’assaut donné par les forces de l’ordre. Le preneur d’otages, connecté aux médias, avait à l’évidence la possibilité d’apprendre en temps réel l’existence de ces otages cachés. Pour leur conseil, c’est bien la chaîne BFMTV qui est visée en priorité, mais d’autres médias pourraient être concernés par cette plainte : « Je pense qu’on a besoin d’un cadre juridique clair. Ce cadre de « mise en danger de la vie d’autrui » est évident mais on a besoin, sur la question des médias et des chaînes d’info, d’une jurisprudence » (4).
Cette démarche des victimes de l’Hyper Cacher vise à sensibiliser l’opinion sur les dangers encourus par les otages selon l’usage des médias. Il faut noter, par ailleurs, que d’autres victimes des attentats du mois de janvier ont porté plainte contre d’autres médias ayant pu les mettre en danger (5).
L’indemnisation du Fonds de garantie
Le Fonds intervient pour réparer les préjudices corporels et les préjudices moraux et économiques des ayants droit des victimes décédées, sans oublier les préjudices psychologiques. Les dommages matériels sont quant à eux gérés par les compagnies d’assurances.
Toute victime peut être indemnisée quelle que soit sa nationalité, si l’attentat survient sur le territoire national. En revanche, s’il se produit à l’étranger, seules les victimes de nationalité française peuvent obtenir une indemnisation. Cette condition s’applique aux ayants droit des victimes décédées. Les victimes ont dix ans, à compter de l’acte de terrorisme, pour saisir le FGTI ou un an à compter de la décision de la juridiction qui a statué sur l’action publique ou sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive.
Afin d’attester de la réalité de son préjudice, la victime doit commencer à constituer un dossier en obtenant des justificatifs de frais consécutifs à l’attentat auprès des acteurs concernés (déplacements, dépenses médicales, ordonnances, consultations psy…).
Dans le cadre de l’indemnisation octroyée par le Fonds de garantie, la victime aborde une étape importante de sa reconstruction qui dépasse l’aspect transactionnel. En effet, cette indemnisation est également porteuse d’une valeur symbolique et a vocation d’atténuer des préjudices moraux irréversibles. Nul ne peut estimer sur un plan monétaire la perte d’un proche, une blessure, un trauma, un handicap et tous les bouleversements induits par l’acte terroriste. Pour autant, en-dessous d’un plafond financier décent, la victime se sentira dévalorisée et mal considérée par l’État, une victime « incomplète », voire une « sous-victime ». Ce manque de reconnaissance de l’ampleur du préjudice subi peut avoir des conséquences désastreuses que nous pouvons mesurer sur le long terme. Certaines personnes ayant dû faire valoir leurs droits n’ont pas hésité à dire qu’elles avaient été victimes une seconde fois.
Dans le cadre d’une procédure amiable, le FGTI verse une première provision à la victime ou à ses ayants droit, normalement un mois au plus tard après la réception du dossier afin de couvrir les frais engagés. Trois mois après la réception du dossier, le FGTI adresse par écrit une offre d’indemnisation définitive. Trois options s’offrent alors à la victime. Soit la victime accepte l’offre et, à l’issue du délai de rétractation, le Fonds lui verse le montant de l’indemnisation proposé. Soit la victime entame une négociation avec le Fonds, aidée par son avocat, qui peut se révéler longue et ardue. Soit elle refuse l’offre du FGTI et assigne ce dernier devant le Tribunal de Grande Instance.
Il est bien difficile pour les victimes d’entrer dans un processus de négociation avec le Fonds alors que leur vie a basculé. Le sentiment de devoir quémander leur devient vite insupportable et s’ajoute au désarroi de n’être pas reconnu en tant que victime. La phase qui consiste à faire évaluer un préjudice est en effet longue, technique, douloureuse. Par conséquent, il est essentiel que la victime soit accompagnée et soutenue par un avocat spécialisé dans ce type de démarche vis-à-vis du Fonds de garantie.
Soutien moral et empathie avec les victimes
La réponse apportée par l’État est une gestion de crise dans l’urgence et non pas un accompagnement sur le long terme, exception faite du travail de suivi social des Pupilles de la Nation fourni par les services de l’ONACVG qui s’inscrit, lui, dans la durée.
Le réseau associatif peut prendre le relais dans la prise en charge des victimes du terrorisme car l’entraide entre victimes permet de transmettre les meilleures pratiques.
Fondée par Guillaume Denoix de Saint Marc, ayant perdu son père dans l’attentat du DC10 d’UTA, le 19 septembre 1989, l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT.org) réunit des membres titulaires (personnes ayant été affectées par le terrorisme en tant que victimes directes ou indirectes) et des membres solidaires (personnes investies dans la défense des droits des victimes du terrorisme) qui œuvrent ensemble à l’abolition du terrorisme dans le respect des droits de l’Homme et du droit international.
Les échanges d’informations et de bonnes pratiques permettent de créer des liens solides et fraternels au sein d’un réseau d’entraide entre associations de victimes en Europe, mais aussi dans le monde entier. Les séminaires internationaux, les congrès (comme le VIIème Congrès International des Victimes du Terrorisme organisé à Paris du 15 au 27 septembre 2011 par l’AfVT.org) et les rencontres-débats renforcent les partenariats et échanges entre praticiens et victimes.
Les victimes ont tout intérêt à se regrouper et à se fédérer au sein de collectifs afin de rompre l’isolement et le sentiment d’exclusion.
Les enjeux à long terme
Sortir de la victimisation
Les victimes du terrorisme ont besoin d’une reconnaissance spécifique car le terrorisme n’est pas une infraction ou un crime de droit commun. L’AfVT.org plaide pour un suivi et un soutien pluridisciplinaire pour les victimes afin, précisément, de les accompagner dans un processus de sortie de la victimisation.
Le Directeur-général de l’AfVT.org, Guillaume Denoix de Saint Marc, insiste sur la nécessité de (re)devenir un acteur positif de la société civile, un sujet utile pour la collectivité, porteur d’un message spécifique. De nombreuses victimes anglo-saxonnes n’hésitent pas à se présenter comme « survivors ». Les victimes espagnoles bénéficient quant à elles d’un statut honorifique et s’expriment dans de nombreux événements publics. Le terrorisme est inscrit dans le programme scolaire espagnol, et les victimes témoignent de leur expérience en milieu scolaire. Le terrorisme ne constitue pas un tabou.
Les victimes sont légitimes à témoigner de certains sujets sensibles : le terrorisme, l’isolement social, la culpabilité, l’extrémisme, le rejet de la violence illégitime, le deuil. Elles sont également porteuses d’une expérience de reconstruction qui peut aider d’autres victimes.
Bien formées et résilientes, les victimes ont la capacité de véhiculer une pédagogie citoyenne dans la perspective de la prévention mais aussi de la reconstruction personnelle.
Pour autant, malgré le rôle qu’elles peuvent jouer dans la prévention, les victimes françaises du terrorisme sont loin d’avoir obtenu une réponse adaptée à leurs besoins : une reconnaissance de la part de la société leur est nécessaire pour réinvestir l’espace social. Ainsi, l’attribution de la Légion d’honneur, à partir du moment où les critères sont remplis, est indispensable à partir du moment où la victime s’est elle-même mise en danger. De même, l’inscription des victimes du terrorisme sur les monuments aux morts est une demande non satisfaite alors qu’elle est très importante sur un plan symbolique. Elle permet d’acter que les citoyens touchés par le terrorisme ont été malgré eux les victimes d’une forme de guerre visant l’État qui a échoué dans sa mission de protection. Le statut des victimes du terrorisme en France est assimilé au statut de victime civile de guerre « hors guerre ».
Le long chemin de la vérité judiciaire
La complexité des dossiers de terrorisme ainsi que l’imbrication de facteurs diplomatiques, géopolitiques et conjoncturels sont des facteurs qui compliquent l’émergence de la vérité.
Parfois, les attentats ne sont pas revendiqués (ex : attentat de la rue des Rosiers à Paris, le 9 août 1982) bien que des éléments matériels désignent une organisation terroriste bien identifiée, ce qui jette le trouble sur l’enquête. Certaines enquêtes ne sont pas officiellement enterrées mais n’ont produit aucune piste sérieuse (ex : attentat du RER Port-Royal à Paris, le 3 décembre 1996) et restent au point mort sur le plan de la vérité judiciaire malgré la ténacité des enquêteurs dépositaires de la mémoire du dossier. Certaines personnes peuvent être mises en cause et faire l’objet d’un mandat d’arrêt international plusieurs décennies après les faits. Hassan Diab, professeur de sociologie à l’université d’Ottawa (Canada), est soupçonné par les enquêteurs d’être impliqué dans l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic, le 3 octobre 1980, à Paris. Une demande d’extradition a été émise en 2008 par Marc Trévidic, le juge d’instruction chargé de l’enquête, et a fini par aboutir en novembre 2014 après que le mis en cause ait épuisé tous les recours légaux. Hassan Diab a été mis en examen après avoir été entendu.
La reconstruction de la victime implique ainsi une phase particulièrement délicate : l’acceptation du temps judiciaire qui se déploie sur une échelle de grandeur sans commune mesure avec les besoins de la vie courante. Cela permet de se prémunir contre les théories du complot et le ressentiment envers les serviteurs de l’État.
La classification des documents constitue également un obstacle auquel se heurtent les victimes du terrorisme. Selon les dispositions du Code pénal, les procédés, objets, documents, données ou fichiers informatisés intéressant la Défense nationale peuvent être classifiés. Or la loi ne permet pas aux magistrats, même pour les besoins de leur enquête, de prendre connaissance de documents classifiés. L’article 23 12-4 du Code de la défense prévoit qu’ils doivent présenter une demande motivée de déclassification à l’autorité administrative qui a classifié le(s) document(s) demandé(s). Si l’on peut admettre, dans un système démocratique, le principe de la classification ou de la mise au secret de certains documents en lien avec la sécurité nationale, le principe de la rétention d’information est difficile à admettre pour les victimes. Elles ont le sentiment d’être mises à l’écart, infantilisées et peuvent développer une suspicion vis-à-vis des pouvoirs publics. Cette perte de confiance de citoyens que l’État n’a pas su protéger contribue à fragiliser la société et fait le jeu du terrorisme dont l’un des objectifs est de discréditer les institutions démocratiques et, à travers elles, le monopole de la violence légitime.
Enfin, de nombreux dossiers sont pollués par le manque de coopération internationale dans des attaques survenues à l’étranger en lien avec des enjeux stratégiques sensibles (ex : attaque et prise d’otages massive du site gazier situé à proximité d’In Amenas, en Algérie, du 16 au 19 janvier 2013) et dans le cas de mandats d’arrêt internationaux visant des personnes mises en cause dans différents pays (ex : attentat de la rue des Rosiers à Paris, le 9 août 1982). L’inertie politico-judiciaire et les nombreuses tracasseries à la fois administratives et politiques avec des pays tiers ne sont pas acceptables pour les victimes qui ont le sentiment qu’on leur dénie le droit à la vérité et à la Justice.
Lutte contre l’oubli et l’indifférence
La ritualisation de l’enjeu mémoriel permet de consolider le processus de deuil. Honorer la mémoire des disparus contribue à donner du sens à la tragédie tout en éloignant le complexe du survivant. L’édification d’un mémorial, l’inauguration d’une stèle, l’organisation d’une cérémonie commémorative par les familles sont autant d’initiatives permettant d’intégrer l’histoire de la victime dans le récit de la mémoire collective. La lutte contre l’oubli est essentielle pour les proches qui peuvent ainsi se réapproprier symboliquement la portée du drame qui les a frappés.
En France, une Cérémonie d’hommage national aux victimes françaises du terrorisme se déroule chaque année depuis 1998 dans les jardins de l’Intendant de l’Hôtel National des Invalides, devant la statue-fontaine « Parole Portée ». Cette création artistique permet de matérialiser la voix des victimes et leur message de paix et de dignité.
Le 19 septembre revêt ainsi une signification particulière pour les victimes du terrorisme, à plus d’un titre, car elle renvoie au jour où a été commis l’attentat contre le DC10 d’UTA. Tous les ans, les proches et les familles des disparus de cet attentat se retrouvent pour un hommage dans l’intimité devant le mémorial des victimes du DC10 au cimetière du Père Lachaise. L’après-midi est consacré à la Cérémonie des Invalides. Cet événement protocolaire convie les victimes du terrorisme à s’exprimer sous l’autorité bienveillante des plus hauts dignitaires de l’État (6). L’accent est mis sur les victimes de l’année écoulée afin de leur offrir un premier espace d’expression et de réaffirmer le lien entre la Nation et les victimes du terrorisme.
Les victimes du terrorisme : un rôle de prévention ?
En France (7) et dans de nombreux pays, les personnes frappées par le terrorisme peuvent contribuer à contrecarrer la profusion d’idées et de contenus extrémistes qui sont diffusés sur Internet, notamment les réseaux sociaux. Les citoyens, mais aussi les plus jeunes, sont de plus en plus interconnectés via les téléphones portables, les tablettes, les ordinateurs. La société civile n’a donc jamais été autant exposée à une propagande aussi sophistiquée visant à discréditer l’engagement démocratique et le respect du vivre-ensemble.
Les victimes du terrorisme peuvent constituer une ressource de prévention d’autant plus précieuse lorsqu’elle renforce des projets pédagogiques et des initiatives citoyennes. Dans ce contexte, l’Association française des Victimes du Terrorisme organise des rencontres-débats dans le cadre de son programme « Terrorisme, et si on écoutait les victimes ? » afin de porter la voix des victimes du terrorisme comme vecteur de prévention et de citoyenneté positive dans les lieux de citoyenneté : établissement scolaire, maison de quartier, prison…
Pour autant, impliquer les victimes du terrorisme dans la prévention de la radicalisation ne peut faire l’économie d’un accompagnement sur le long terme et d’une pleine reconnaissance par l’État de leur spécificité et de leurs besoins.
Pour conclure
Entre 2001 et avril 2015, 102 Français ont trouvé la mort dans de multiples attaques terroristes en France et à l’étranger, selon le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (8). Ce chiffre n’inclut pas les blessés, les otages libérés et toutes les victimes rescapées et choquées.
Malgré la mobilisation citoyenne liée aux attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015, les victimes du terrorisme en France restent assimilées dans leurs droits à des victimes civiles de guerre car le statut de « Mort pour la France » est réservé aux militaires. Le statut de « Victimes civiles de guerre – hors guerre » a été reconnu par la loi du 23 janvier 1990. Cela revient à considérer que le terrorisme est une forme de guerre en temps de paix.
Ce statut reste pourtant inabouti car l’appellation « victime du terrorisme » n’y a pas été intégrée. Une victime du terrorisme n’est pas une victime civile de guerre, elle a une spécificité. L’égalité de traitement entre les victimes est également une donnée non négociable pour les familles : la mort des otages Vincent Delory et Antoine de Léocour, tués le 8 janvier 2011 à l’issue d’une intervention des forces spéciales françaises à la frontière du Mali, ne peut être considérée par l’État comme un « dommage collatéral ». La décision de l’État d’intervenir militairement doit être assumée publiquement, et les familles doivent être soutenues et accompagnées.
Les mandats d’arrêt récemment émis contre quatre personnes mises en cause dans l’attentat de la rue des Rosiers ont relancé l’action judiciaire et ont permis à des victimes de se constituer partie civile, plus de trente ans après l’attentat. L’extradition des mis en cause dans les affaires de terrorisme doit faire l’objet d’un consensus international.
Enfin, les associations de victimes du terrorisme qui s’impliquent dans la prévention de la radicalisation constituent des référents de la société civile. Leur expérience de terrain et leurs ressources doivent être prises en compte par les pouvoirs publics pour l’élaboration de mesures nationales et internationales visant à défendre leurs droits. Une victime soutenue de manière appropriée et reconnue pour telle par l’État est un futur acteur social prompt à renforcer la cohésion du pacte républicain.
Notes:
[1] Voir « La vie explosée » de Colette Bonnivard, publié en 1987 chez Filipacchi.
[2] Le 18 mars 2015, deux à trois hommes armés d’armes automatiques ont tiré sur les touristes à une heure de forte affluence devant l’entrée du musée puis à l’intérieur. Le bilan s’élève à 22 tués, dont 4 Français, et 47 blessés, dont 6 Français.
[3] pro-bono (littéralement : « pour le bien public ») est le conseil juridique, volontaire et gratuit.
[4] Propos de Maître Patrick Klugman recueillis et publiés en ligne par Benjamin Meffre, le 3 avril 2015, sur le site www.ozap.com.
[5] Selon le même principe, l’avocat de Lilian Lepère, Maître Antoine Casubolo-Ferro, également conseil de l’AfVT.org, a porté plainte le 9 juillet 2015 contre TF1, France 2 et RMC car ces médias ont divulgué la « possible présence » d’un employé dans l’imprimerie de Michel Catalano alors que les frères Kouachi s’y trouvaient encore.
[6] Nous pouvons citer le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux (2010), le garde des Sceaux Michel Mercier (2011), le président de la République François Hollande (2012), le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, accompagné de la garde des Sceaux Christiane Taubira (2013) et le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve (2014).
[7] Latifa Ibn Ziaten a perdu son fils, Imad, assassiné à Toulouse par le djihadiste Mohamed Merah, le 11 mars 2012. Dans les mois qui ont suivi, elle a créé l’association « Imad Ibn Ziaten pour la Jeunesse et la Paix ». Latifa Ibn Ziaten parcourt la France pour détourner les jeunes de la tentation de la violence et promouvoir la tolérance et le vivre-ensemble.
[8] Voir Bulletin de documentation n°14 du Df2R (Centre Français de Recherche sur le Renseignement) publié en avril 2015 par Eric Denécé.