Jean Pierre Allali

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Lectures de Jean-Pierre Allali - Hannah Senesh : Biographie d’un ange, par Lucie Elloul et Benjamin Boulitrop

01 December 2021 | 134 vue(s)
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Opinion

Bienvenue sur le blog La Chronique (pas tès casher) de Raphaela ! Sur ce blog, Raphaela vous propose ses billets d'humeur sur tout ce qui l'entoure, l'émeut, la touche, la fait rire et la révolte. Et elle a des choses à vous dire...

Depuis plusieurs années, le cinéma international ne cesse de plébisciter les cinéastes iraniens. Asghar Farhadi en est l’exemple même. Cependant, certains réalisateurs n’ont pas la chance d’être autant ovationnés.

Pour leur cinéma engagé, frontal et dénonciateur du pouvoir politique et du régime iranien, grand nombre de réalisateurs iraniens ont été, pour les plus chanceux, contraint à l’exil, tandis que d’autres en détention, subissent le triste sort réservé aux prisonniers iraniens.

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Hannah Senesh : Biographie d’un ange. Sa vie, ses poèmes hébraïques, son journal hébreu, par Lucie Elloul et Benjamin Boulitrop (*)

 

Hannah Senesh, c’est un peu la Jeanne d’Arc du peuple juif. De nombreux ouvrages ont été consacrés à cette véritable héroïne des temps modernes.  Le livre que nous proposent les Éditions Lichma offre au lecteur un intérêt supplémentaire. Outre le récit de la courte vie de Hannah, il nous propose, et c’est une découverte ,  un florilège de ses poèmes écrits en hébreu et, cerise sur le gâteau, son journal  intime miraculeusement conservé. Dès lors, nous avons là un ouvrage qui fera date.

Née à Budapest le 17 juillet 1921 au sein d’une famille juive néologue –l’équivalent des réformés en France- Aniko Senesh, qui, plus tard, choisira le prénom plus hébraïque de Hannah, est la cadette d’une famille qui compte déjà un garçon, Gyuri. Fille de Béla Schlesinger devenu, pour faire plus hongrois, Szenes et de Katalin Salzberger, dite Kato,  se révèle, au fil des ans, hyperactive. Tout l’intéresse ou presque : sport, piano, théâtre.

Elle n’a que six ans lorsque son père disparaît, emporté par une crise cardiaque. Entourée de sa mère, de son frère aîné et de sa grand-mère, Fini Mama, Aniko.

La communauté juive hongroise est alors prospère malgré un antisémitisme larvé et récurrent : 910 000 âmes en 1910. Le numerus clausus visant les Juifs dans de nombreuses professions n’empêche pas les réussites individuelles dans tous les domaines. Mais le pogrome de Kameniets-Podolsk, les 27 et 28 août 1941, marque le début de la fin de cette belle communauté. Près de 600 000 Juifs hongrois périront dans les camps de la mort nazis.

Pour revenir à Aniko, « Après avoir écrit ses premiers poèmes à six ans, elle entame son journal à l’âge des 13 ans avec l’objectif de devenir écrivain. À seize ans, elle avait écrit trois pièces et 80 poèmes ».

Face à un antisémitisme de plus en plus ouvert, la jeune fille se rapproche des milieux sionistes. Très vite, sa conviction est faite : c’est en terre d’Israël qu’elle pourra donner un sens à sa vie. Le 13 septembre 1939, après des adieux déchirants à sa famille, elle quitte Budapest pour Constantinople et embarque à bord du « « Bessarabia ». Direction Haïfa. Dix jours plus tard, elle est à Nahanal pour étudier l’agriculture. Puis d’une localité à l’autre, de kibboutz en mochav, elle va s’intégrer dans son nouveau pays. C’est en apprenant qu’un projet conjoint de l’armée britannique et de la Haganah envisage le sauvetage de Juifs hongrois qu’elle se lance dans l’aventure de sa vie et se porte volontaire pour une mission périlleuse. Formée au parachutisme en Égypte, elle est larguée au-dessus  de la Yougoslavie le 13 mars 1944. Et c’est au moment où elle passe la frontière hongroise qu’elle est arrêtée par les Allemands le 9 juin 1944. Torturée pendant des mois, elle ne parlera pas Elle a été exécutée à la prison de Budapest le 7 novembre 1944.

En 1950, ses cendres seront transférées en Israël.

Pour ne pas oublier Hannah, 19 de ses poèmes en hébreu, écrits entre le 11 octobre 1940 et le 2 mai 1944, nous sont offerts sous le titre générique  de « Les champs de la mer ». Chaque poésie est proposée dans sa version originale en hébreu avec sa traduction en français. Ainsi « À mes frères » :

Si nous disparaissons
Vous chargerez le lourd et imposant fardeau
Sur vos épaules.
Vous bâtirez sur le sable,
Sous le bleu
Du ciel-tout
A nouveau
Et sachez que le chemin
De la justice et des valeurs
N’est pas aisé.

Ou encore : « La marche vers Césarée » :

Mon Dieu que jamais ne finissent
Le sable et la mer,
Le murmure de l’eau,
L’éclair du ciel,
La prière de l’Homme

Tenu entre le 11 juillet 1939 et le 11 janvier 1943, le journal de Hannah Senesh nous permet de pénétrer son intimité, ses petits flirts, sa difficulté à trouver l’âme sœur, son travail au quotidien dans les kibboutzim, son amour grandissant de la terre d’Israël.

On découvre, ce qui est peu connu, que la Palestine mandataire a été bombardée  en 1940-1941 par les Italiens. Le 9 septembre 1940, on dénombre 137 morts à Tel Aviv.

De belles illustrations agrémentent cet ouvrage très intéressant. À découvrir.

 

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Lichma. Mai 2021. Préface et calligraphies de Frank Lalou. 226 pages. 19,90 €.