Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Blog du Crif - Israël, les Soudans et le monde Juif

27 October 2020 | 156 vue(s)
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Actualité

Depuis plusieurs années, le cinéma international ne cesse de plébisciter les cinéastes iraniens. Asghar Farhadi en est l’exemple même. Cependant, certains réalisateurs n’ont pas la chance d’être autant ovationnés.

Pour leur cinéma engagé, frontal et dénonciateur du pouvoir politique et du régime iranien, grand nombre de réalisateurs iraniens ont été, pour les plus chanceux, contraint à l’exil, tandis que d’autres en détention, subissent le triste sort réservé aux prisonniers iraniens.

Dimanche 13 janvier 2019, le Crif a organisé un voyage de mémoire à Auschwitz-Birkenau. Ensemble, au cours de cette journée, nous avons honoré le devoir de mémoire qui nous incombe et sommes devenus les témoins des témoins.

L'historien Laurent Joly publie un nouvel éclairage sur la collaboration de la France occupée à la déportation des juifs. Une œuvre magistrale.

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On parle beaucoup du Soudan depuis quelques jours. Mais de quel Soudan s’agit-il ? Les commentateurs semblent oublier que depuis 2011, il existe deux Soudans. Le Soudan proprement dit et le Sud-Soudan. Celui qui, ces derniers temps, anime les chancelleries à travers le monde et que l’on considère comme le troisième État arabo-musulman à établir des relations normales et conviviales avec Israël, est le premier nommé. Ancienne colonie britannique inféodée à l’Égypte, la République du Soudan est indépendante depuis 1956. Ce pays de près de 2 millions de kilomètres carrés, peuplé de plus de 40 millions d’habitants, a pour plus grande ville Omdourman et pour capitale Khartoum. Il est bordé, au nord-ouest par la Libye, au nord par l’Égypte, à l’est par l’Érythrée, au sud-est par l’Éthiopie, au sud-ouest par la République Centrafricaine et à l’ouest par le Tchad. Il dispose, au nord, d’un accès à la mer Rouge. Son président actuel, après la destitution, en 2019, du sinistre Omar El-Béchir, est Abdel Fattah Abdelrahmane Al Burhan. Ce pays est majoritairement musulman. 

Le 9 juillet 2011, à la suite d’un référendum et après vingt-et-un ans d’une guerre civile meurtrière, la République du Sud-Soudan s’est séparée du Soudan. Elle s’étend sur 600 000 km2 avec 11 millions d’habitants et sa capitale est Djouba. Son président est Salva Kiir, « l’homme au chapeau noir ». Pour l’essentiel, les habitants du Sud-Soudan sont chrétiens (61%) et animistes (20%). On y trouve également quelque 20% de Musulmans.

Le rapprochement récent d’Israël et du Soudan, à l’aune de l’exclusion de ce dernier, par les États-Unis, de la liste des États terroristes, ne devrait pas, en réalité, constituer une surprise. En effet, dès 2016, le journal Haaretz révélait qu’ « Israël tenterait de convaincre les États- Unis et les pays européens de soutenir le régime soudanais ». En août 2017, on apprenait que le ministre soudanais de l’investissement, Mubarak al Fadil al Mahdi, soutenait publiquement la normalisation des relations avec Israël (1). Les derniers développements se situent donc dans la continuité d’une nouvelle vision des choses amorcée il y a plusieurs années.

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Le ministre soudanais de l’Investissement, Mubarak al Fadil al Mahdi

La relation d’Israël avec le Sud Soudan est beaucoup plus ancienne. Le 10 juillet 2011, au lendemain même de la déclaration d’indépendance du pays, Benjamin Netanyahou déclarait : « Je proclame qu’Israël reconnaît la République du Sud-Soudan » (2). En décembre 2011, le président Salva Kiir s’était rendu en Israël où il avait rencontré le président Shimon Peres et le Premier ministre Benjamin Netanyahou. Depuis, les affrontements internes entre forces gouvernementales et rebelles ont été intenses faisant de très nombreuses victimes dans le pays. Ainsi, en 2015, Tanguy Berthemet écrivait dans Le Figaro : « Au Soudan du Sud, la paix est toujours introuvable » (3)

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Benjamin Netanyahou avec Salva Kiir à Jérusalem en décembre 2011

Le Soudan, les Soudans…On peut, à juste titre, se poser la question : y-a-t-il ou y-a-t-il eu des Juifs dans ces contrées ? La réponse est oui. En 1999, un Américain, Eli S. Malka, fils du Grand rabbin de Khartoum et qui fut président de la communauté juive soudanaise, publiait sur ce sujet un ouvrage intitulé « Jacob’s children in the land of the Mahdi : Jews of the Sudan »(4). On y découvrait qu’une communauté active avait vécu dans le pays jusque dans les années 1960 avec une synagogue, une loge du B’naï B’rith et diverses associations.

Cette communauté était d’installation relativement récente, constituée, dans les années 1880, par un premier ensemble de huit familles juives venues d’Égypte. Elle s’étoffa rapidement, la plupart des chefs de famille se spécialisant dans le commerce de la gomme arabique et, par la suite, dans celui du coton. Des Juifs soudanais se retrouvèrent aussi dans le commerce de l’ivoire, du cuivre et…des plumes d’autruche.

La communauté juive du Soudan a compté, au plus fort de sa croissance démographique, quelque 1000 âmes, 90% de Juifs ashkénazes et 10% de Séfarades. Il n’y avait pas d’école juive et, pour la plupart, les enfants juifs fréquentèrent les écoles de la mission catholique canadienne

En 1969, l’arrivée au pouvoir du général Nemeiry, adversaire résolu du sionisme, d’Israël et des Juifs, entraîna un exode quasi-total des Juifs du Soudan. Ils n’étaient plus qu’une demi- douzaine en 1985. Depuis, il n’y a plus de Juifs au Soudan.

Dans la dynamique actuelle, verra-t-on renaître une communauté juive au Soudan ? Ce pays deviendra-t-il la nouvelle destination des touristes israéliens, toujours friands d’exotisme et de nouvelles destinations, une fois la pandémie de Covi-19 enfin éradiquée ? Inaugurera-t-on rapidement une ligne aérienne Tel-Aviv-Khartoum ? Qui vivra verra !

 

Jean-Pierre Allali

(1) Actualité Juive du 31 août 2017.

(2) Hamodia du 20-07-2011. « Vers une alliance stratégique entre Israël et le Sud-Soudan » par Richard Darmon.

(3) Le Figaro du 20-08-2015.

(4) Éditions Syracuse University Press.