Francis Kalifat

Ancien président

Le tribune conjointe du Crif et du Conseil Central des Juifs en Allemagne suite à la monté de l’extrême-droite

09 October 2017 | 12 vue(s)
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Opinion

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"On s'est dit au-revoir. C'était un au-revoir mais qu'y avait-il derrière cet au-revoir ?"

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Après l'annonce des résultats des élections législatives allemandes - et de la victoire de 94 sièges au Bundestag pour le parti d'extrême-droite AfD, je me suis entretenu avec le Conseil Central des Juifs en Allemagne. Conjointement avec Josef Schuster, le Président du Conseil central des juifs en Allemagne,  j'ai écrit une tribune afin de dénoncer les dangers de l'extrême-droite. 

Dans cette tribune commune, nous avons exprimé notre position commune de rejet de l'extrême-droite dans les médias nationaux des deux pays. Cette tribune est parue dans Le Figaro en France et dans le journal Die Welt en Allemagne.

Tribune parue en français dans Le Figaro, Plus de 90 députés de l'AfD au Bundestag : un succès très inquiétant

Tribune parue en allemand dans le journal Die Welt, Juden können nicht mit Rechtspopulisten zusammenarbeiten

Tribune publiée dans Le Figaro le 6 octobre 2017

TRIBUNE - Les partis de Marine Le Pen et d'Alice Weidel ne sont pas des partis comme les autres, argumentent Francis Kalifat, le président du Crif et Josef Schuster, le président du Conseil central des juifs en Allemagne.

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et le Conseil central des juifs en Allemagne (Zentralrat der Juden in Deutschland), qui représentent respectivement les institutions juives de France et d'Allemagne, ont une longue tradition d'expression politique non partisane. Les uns et les autres ont toujours travaillé avec les différents partis politiques représentés dans nos Parlements respectifs.

En France, cela avait changé avec les succès électoraux croissants du Front national. En Allemagne, une situation similaire apparaît avec l'entrée au Bundestag du parti populiste d'extrême droite Alternativ für Deutschland (AfD).

Les communautés juives en France et en Allemagne sont très attachées au pluralisme politique et aux valeurs républicaines. C'est précisément la raison pour laquelle nous refusons tout contact avec le Front national ou l'AfD.

Par leur histoire douloureuse, les juifs ont acquis une sensibilité particulièrement développée lorsque des populistes commencent à miner les valeurs démocratiques et à s'en prendre aux minorités. L'histoire nous a enseigné où cela mène quand, pendant des années, on prétend qu'un groupe particulier est dangereux pour l'ensemble du pays.

C'est exactement ce que le Front national et l'AfD font aujourd'hui. Ils agitent les haines et stigmatisent les minorités. En Allemagne, l'AfD a utilisé l'arrivée des réfugiés au cours des deux dernières années pour attiser les craintes dans la population. Dans le même temps, des personnalités politiques issues des rangs de l'AfD n'hésitent pas à réutiliser la rhétorique de l'époque nazie. Ils ne respectent ni le principe d'égalité, ni la liberté de religion, pourtant garantis par la Constitution allemande. Par le passé déjà en Allemagne, un parti s'est octroyé le droit de définir qui serait considéré comme Allemand et qui ne le serait pas, qui avait le droit de vivre et qui n'avait pas ce droit. Nous ne laisserons plus cela se reproduire.

En France, l'extrême droite véhicule la haine, la supercherie et le mensonge. Le Front National ose tout, promet tout, et n'hésite pas à dire tout et son contraire pour atteindre ses objectifs politiques. L'extrême droite s'inscrit dans une histoire d'hostilité envers les juifs et remet en cause la possibilité d'une vie juive sereine en France, évoquant l'interdiction de la kippa dans l'espace public, ou de l'abattage rituel. Le Front national joue avec les souffrances et les peurs. Il désigne les boucs émissaires, ne résout aucun problème dans notre société et ne fait que répandre le poison létal de la suspicion et de la division. Il tente de diviser notre société entre des «vrais Français» - ceux qui votent pour le FN - à qui ils promettent «la priorité nationale», et les autres. Cela nous rappelle l'horreur des heures les plus noires de notre histoire. Nous, juifs, ne sommes jamais loin dans le viseur lorsqu'on commence à faire des listes.

Pour nous, il est inconcevable de travailler avec des «politiciens» qui exigent la fin de la "culture de la culpabilité" ou qui veulent mettre en valeur l'action des soldats allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Les populistes de droite se disent amis d'Israël et des Juifs. Ils veulent nous faire croire que tous les musulmans sont nos ennemis communs dans le seul but de gagner des votes juifs. Mais pour nous, qui représentons les institutions juives en France et en Allemagne, il est important de l'affirmer clairement: le Front national et l'AfD ne sont pas des partenaires possibles ; ils sont une menace pour la vie juive en France et en Allemagne pour la démocratie à laquelle nous sommes tant attachés.

Pour le Crif comme pour le Zentralrat der Juden in Deutschland, les feux d'alerte sont déjà allumés et c'est l'occasion de rappeler la nécessité pour tous, de maintenir hermétique le cordon sanitaire qui nous séparent de ces deux partis extrémistes tant en France qu'en Allemagne. Les Français juifs et les Allemands juifs se dressent ensemble contre les populismes. Toute l'Europe devrait se saisir de cette lutte contre tous les populismes, contre ces forces qui mettent en danger les valeurs européennes, nos communautés et, en fin de compte, notre liberté.