Tribune
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Publié le 14 Avril 2014

Le populisme européen et les médias, par Pascale Davidovic

Tribune de Pascale Davidovicz publiée dans Tribune Juive le 13 avril 2014

Après la percée du Front National aux élections municipales, les documentaires télévisés et les articles de presse se sont succédés sur le thème du populisme et de la montée de l’extrême droite en Europe.

Mais qu’est le populisme réellement ?

J’ai consulté la définition qu’en donne le dictionnaire Larousse, et j’ai été surprise de constater qu’elle ne correspondait pas vraiment à l’usage que l’on en fait. Idéologie et mouvement politique (en russe narodnitchestvo) qui se sont développés dans la Russie des années 1870, préconisant une voie spécifique vers le socialisme. Idéologie politique de certains mouvements de libération nationale visant à libérer le peuple sans recourir à la lutte des classes.

Depuis les années trente, le populisme, d’abord courant littéraire et intellectuel russe d’opposition au tsarisme, est devenu courant politique prônant l’idée de retirer le pouvoir aux élites au profit du peuple.

Il fait son lit dans les pays en crise, et prétend parler au nom du peuple.

Il s’oppose au système et propose des solutions trompeuses, mais tellement simples, que le commun des mortels peut se demander pourquoi personne n’y a pensé plus tôt.

Il désigne des boucs émissaires.

Il alimente les peurs, les frustrations et les ressentiments.

Il est porté par des chefs charismatiques et autoritaires, issus des partis extrémistes, qui prétendent défendre la démocratie, mais en réalité la menacent.

Un populisme à l’italienne

 Puisant dans le terrain commun à l’extrême droite comme à l’extrême gauche, l’ancien bouffon de la télévision italienne Beppe Grillo, âgé de 66 ans, se sert de son talent de tribun pour s’en prendre tous azimuts aux institutions, aux partis politiques, à l’Europe, aux émigrés, aux juifs, aux loges secrètes et aux francs maçons.

Son mouvement Cinq Etoiles milite pour l’écologie et la hausse des salaires, contre les impôts et pour les services publics. Encore marginal il y a un an, il a obtenu en février 2013, le vote d’un peu plus d’un italien sur quatre. Se déclarant fier d’être populiste, il surfe sur les scandales politiques de l’ère Berlusconi et s’en prend aux dirigeants impuissants face à la crise.

Beppe Grillo qui se veut le porte-voix de toutes les colères déclare vouloir « une révolution dans la tête des italiens et une participation directe ».Il se propose de créer une vraie démocratie et de redonner le pouvoir au peuple, comme s’il l’avait jamais eu réellement dans l’Histoire ! Les 163 députés de son mouvement, novices en politique, ont été sélectionnés par les internautes, histoire de faire croire à une démocratie participative.

Une poudre aux yeux quand on sait que le casting a été revu et corrigé par Beppe Grillo.

Le but est de saper le parlement et d’utiliser un pouvoir de nuisance.

Au Sénat où ils représentent la 3ème force politique, les élus n’ont cherché à faire adopter aucune de leurs 400 propositions, et se sont contentés d’attaquer le gouvernement, en se présentant comme victimes. Beppe Grillo interdit aux parlementaires de s’exprimer devant les médias, une vraie décision démocratique ! Seul Claudio Messora, bras droit du chef et responsable de la communication, peut répondre aux questions des journalistes.

Les internautes sont censés contrôler les dépenses et les frais des élus au travers d’une transparence illusoire, qui rappelle celle de la publication des déclarations d’impôts de nos élus qui n’a pas fait long feu. Paola De Pin, une chef d’entreprise, sénatrice du mouvement, qui osa proposer de soutenir la gauche au sénat, afin d’appuyer une réforme de la loi électorale que le mouvement Cinq Etoiles réclamait, paya les frais de son initiative.

Un membre l’appela, lui dit qu’elle ne valait rien, la traita de prostituée et lui demanda de se recentrer.Excommuniée, elle exprimera son soutien à la gauche.Quatre autres élus seront exclus pour avoir osé s’exprimer à la télévision.

Beppe Grilllo rêve d’un parlement sans partis, avec des citoyens qui voteraient sur Internet.Folie et absurdité, car qui représenterait la nation à l’international, mais au-delà de ça, la volonté d’atteindre 100 % du pouvoir, cela s’appelle le fascisme.

Un populisme à la française.

Pendant que le populisme italien joue sur la crise politique, le populisme français joue davantage sur la crise économique et le chômage.

Le Front National, qui a remplacé le Parti Communiste français au sein de la classe populaire, abat la vieille carte du bouc émissaire.

Dans les années trente, c’était les juifs, et maintenant comme à Forbach, où les étrangers ne représentent pourtant que 5 % de la population, après les ritals de François Cavanna et les Polacks, ce sont les Maghrébins autrefois attirés par les mines.

Au chômage, c’est à eux et aux Roms que le Front National s’en prend.

Pourtant pas de trace de caravanes de Roms à Forbach, mais la peur fait recette et le Front National le sait.

Le pire c’est que pendant ce temps là, Manuel Valls se fait vilipender pour être ferme sur l’expulsion des Roms et des illégaux qui franchissent nos frontières, paralysent notre réseau ferroviaire par leurs vols de matériau et cambriolent.

Diplômé de l’ENA, Florian Philippot, bras droit de Marine Le Pen, tête de liste aux Européennes 2014, devenu conseiller municipal à Forbach, se déclare protectionniste et défenseur des acquis sociaux.

Il se dédouane comme il peut de la corruption  et de la violence qui ont accompagné la gestion des villes conquises par le Front National dans les années 1990, en arguant que le ménage a été fait.

La règle est de ne pas tenir un discours trop radical et de paraître politiquement correct, jusqu’à trahir les valeurs familiales et religieuses du Front National en n’appelant pas à manifester contre le mariage pour tous, qui est aussi un geste de bonne volonté à l’égard du parti néerlandais PVV, le Parti pour la liberté de Geert Wilders, qui combat l’émigration, mais défend le droit des homosexuels.

Un populisme à la néerlandaise.

Pendant l’occupation allemande, les Pays-Bas sont dirigés par Arthur Seyss-Inquart, gouverneur autrichien, qui ne parviendra jamais à convaincre la majorité des Néerlandais humanistes de se rallier aux thèses nazies.

Alors pourquoi aux Pays-Bas, pays prospère, qui a connu une résistance exemplaire au nazisme, le populisme peut-il si bien réussir ?

Comme partout en Europe, la peur de la perte d’identité serait une raison du vote populiste.

Geert Wilders qui vient de la droite libérale, et se déclare favorable à la liberté d’expression, à l’homosexualité et à l’avortement, a récolté 16 % aux législatives de 2010.

Sa seule motivation, après la critique de l’Europe, est la haine de l’islam, sans qu’il précise s’il s’agit uniquement de celui radical, hégémonisme, prosélyte, voire terroriste.

Il considère l’islam comme une idéologie totalitaire plus qu’une religion, à l’inverse des autres religions, et compare le Coran à Mein Kampf.

On pourrait aisément le rejoindre dans sa crainte de l’islamisation pratiquée par des mouvances qui, soit dit en passant, cultive le même terreau de la crise économique et sociale.

Mais là où le bât blesse, c’est qu’au Pays-Bas, une large majorité d’émigrés s’est fondue dans  le creuset néerlandais et compte nombre d’hommes d’affaires, de professeurs et d’élus.

Le PVV tient à ses chiffres non discutables et se défile face au débat d’idées, refusant toute confrontation qui ne lui donnerait pas raison

Mais ne nous y trompons pas, comme pour les autres, ce qui anime Wilders, c’est sa soif de pouvoir… Lire la suite.