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Publié le 2 mars 2020 dans Les Echos
Qui sortira indemne du coronavirus ? Aucune entreprise un tant soit peu internationale ne peut le dire. Déjà fiévreux ou pas, tous les secteurs d'activité seront tôt ou tard frappés par le mal, au moins par effet domino : pour nombre de groupes et de métiers, la Chine est devenue une carte majeure du jeu. Le moindre soubresaut là-bas finit toujours par se ressentir tôt ou tard par ici.
A ce stade, tout reste cependant assez flou sur l'impact réel de l'épidémie. Même le meilleur élève du transport aérien mondial, le groupe IAG, ne sait plus à quelle prévision se vouer, admettant ne pas être en mesure d'avancer la moindre prévision pour 2020, du fait de l'incertitude généralisée. Difficile dans ce cadre de prendre les mesures qui s'imposent au bon moment et avec le bon paramétrage. Les plans d'urgence s'accumulent en ce moment dans les directions.
Pressés par les autorités boursières, les acteurs français cotés ont tout de même tenté de calculer le coût du Covid-19 sur leurs affaires : au moins un milliard d'euros. Touché dans son appareil industriel , Seb anticipe une perte de 250 millions de chiffre d'affaires au premier trimestre, le spécialiste de l'inspection et de la certification Bureau Veritas un manque à gagner de 60 à 100 millions, Schneider Electric prévoit « un impact négatif de 300 millions », Suez de 30 à 40 millions, Danone un manque à gagner de 100 millions d'euros sur ses ventes en Chine, son deuxième marché. Arkema a fait une croix sur 20 millions d'euros de résultat opérationnel.
Les sociétés qui ont fait des voyages leur terrain de jeu sont en première ligne. Air France-KLM estimait, la semaine dernière, à 150 à 200 millions d'euros l'impact du virus sur son résultat d'exploitation. Devant l'aggravation de la situation, la compagnie réduit ses dépenses et gèle certaines embauches, comme son partenaire néerlandais KLM. Chez Accor, le revenu par chambre en Chine a plongé de 90 % depuis la mi-janvier, et le groupe a déjà perdu 5 millions d'euros de redevances.
Mais le plus dur reste à venir. Les déplacements internationaux des salariés sont très perturbés, certaines zones étant désormais prohibées. Un certain nombre de groupes ont décidé d'annuler purement et simplement tous les voyages professionnels , sauf cas de force majeure et sur autorisation expresse de l'état-major. Si des solutions techniques existent, à commencer par la visioconférence, la solution n'est pas idéale si elle perdure.
Et puis il y a surtout le fait que la Chine est devenue le poumon économique mondial. La taille de son marché fait que le moindre soubresaut des ventes fragilise les groupes qui ont fait leur miel des clients chinois, comme les vendeurs de vins et spiritueux et les maisons de luxe. D'autres ont tout à craindre de l'arrêt de l'usine Chine. Soit parce qu'ils produisent énormément sur place, soit parce que leurs appareils industriels sont très dépendants de pièces ou de matériaux made in China. Les constructeurs automobiles ou les laboratoires pharmaceutiques n'en sont que deux exemples.
Pour noircir le tableau, il reste le risque financier et celui qui pèse sur les matières premières et l'énergie. Si la Chine souffre plus longtemps, les marchés vont vraiment vaciller, le financement des entreprises aussi, et les conséquences sur les marchés du pétrole et des matières premières seront importantes. Un scénario sombre qui inquiète, mais dont la probabilité s'avère encore incertaine.