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Dans un entretien-événement avec l’hebdomadaire Actualité juive, l’ancien premier ministre, à l’occasion de la parution de son nouveau livre (1), développe des analyses passionnantes sur la France, la République, la «tenaille identitaire » des extrêmes, l’antisémitisme, et les aveuglements historiques de la gauche face à l’islamisme. Concernant Israël, en raison des Accords d’Abraham qu’il salue et qu’il soutient, Manuel Valls en appelle à un changement de pied de la France et de sa diplomatie.
Il réclame une alliance beaucoup plus étroite de Paris et de Jérusalem : « La France a vocation à sortir du langage diplomatique désormais dépassé, sur les frontières de 67 par exemple, pour bâtir une alliance stratégique avec Israël. Novatrice. Audacieuse. Solide. Elle passe par le transfert de notre ambassade à Jérusalem. » Manuel Valls ajoute : « Nos deux pays iront loin ensemble. Et n’oublions pas que nous avons déjà un lien privilégié avec les Émirats Unis. »
Un entretien à découvrir dans le numéro d'Actualité Juive de cette semaine !
Publié le 7 avril 2021 dans Actualité Juive
Actualité juive - En prenant vos distances géographiques avec la France, depuis votre installation à Barcelone, vous êtes-vous rendu compte à quel point ce pays, pour reprendre la célèbre formule de Gary, «coule dans vos veines»?
Manuel Valls - Oui, c’est le sens de mon livre. Nulle fabrication dans ce constat absolument sincère. Récapitulons ce qui m’est arrivé : j’ai ressenti, au lendemain de la primaire de la gauche puis après la présidentielle, une forme d’anéantissement psychique ; le sentiment d’une mort politique m’envahissait. J’ai dû traverser une sorte de dépression, je pouvais me briser , je l’ai senti presque physiquement. J’étais sonné, au propre comme au figuré, giflé en janvier en Bretagne par un individu se réclamant de Dieudonné. C’est une séquence particulièrement éprouvante de ma vie publique où j’ai compris très vite que la primaire de la gauche servait exclusivement à sanctionner le quinquennat de François Hollande et à tourner le dos à la gauche de gouvernement. J’avais alors surtout - et plus largement - la perception nette de la fin d’une époque, de l’achèvement d’un engagement militant et collectif de plus de 40 ans au sein du Parti socialiste. J’étais devenu aussi la figure du traître pour ne pas avoir respecté la charte de la primaire qui m’obligeait à soutenir le vainqueur alors que j’avais appelé à voter Macron dès le premier tour pour éviter un second tour Le Pen-Fillon ou Le Pen-Melenchon. Voilà tous les sentiments mêlés qui m’agitaient bien avant de prendre ma décision de départ...
Néanmoins, dans le même temps, vous vous êtes battu...
MV. - Oui! Je n’ai pas voulu disparaître, crever comme j’écris dans mon livre, sans me battre dans ma circonscription d’Evry-Corbeil dont j’étais le député depuis 2002. Je ne voulais pas être chassé par mes électeurs. J’ai affronté l’hostilité d’une partie de la gauche et une campagne d’une rare violence, antisémite aussi. N’oubliez pas que Dieudonné y était candidat pour me faire chuter. J’ai été réélu mais j’ai vraiment ressenti très vite le besoin de partir. Mon couple était aussi en train de se défaire. Je n’avais plus d’avenir ici. L’opportunité de la campagne, certes difficilement « gagnable», qui m’a été offerte à Barcelone a fait le reste ; cette proposition m’attirait, et m’a aidé à sauter le pas. Cela a été une belle expérience que je ne regrette pas. J’ y ai rencontré aussi celle qui est désormais ma femme. Bien entendu je suis rentré régulièrement à Paris pour y voir ma mère, mes enfants, mes amis, m’exprimer parfois. Pourtant, à partir du premier confinement j’ai ressenti un besoin de plus en plus pressent de France. Elle me manquait, me taraudait... je me sentais trop loin, impuissant alors que les Français souffraient face à la crise sanitaire et sociale et subissaient en septembre de nouvelles attaques terroristes. Tout cela m’a amené à m’interroger sur ce qui constituait mon lien avec ce pays, mon pays, ma seule patrie, au terme d’un cheminement de quarante ans entamé par ma naturalisation. D’où le livre et le titre choisi.
Justement. Au moment du choix de la nationalité française, vous aviez l’âge d’un jeune adulte. Quels ont été les ingrédients principaux de votre «assimilation » à la France ?
MV. - Il y a eu le «bain culturel » que mes parents nous ont offert, ils fréquentaient une pléiade d’artistes et d’intellectuels dont je garde un souvenir émerveillé et à qui je dois beaucoup..Il y a eu évidemment l’école de la république et mes maîtres. Mais mon engagement politique a joué un rôle majeur, avec les hautes figures de mon «Panthéon» personnel, de Edmond Michelet à Robert et Elisabeth Badinter et naturellement Michel Rocard pour qui je me suis engagé au PS à l’âge de dix-huit ans. En ce sens, mon livre n’est pas inspiré par le ressentiment, c’est au contraire un livre de sentiments. J’y évoque ma dette immense envers la France, envers son histoire, sa culture, sa langue qui nous unit, envers sa tradition politique républicaine..
Dans votre Panthéon, Manuel Valls, il y a aussi une figure absolument inégalée à vos yeux, c’est celle de Clemenceau...
M.V. - De ses combats de jeunesse et de son rôle pendant la Commune de Paris à l’exercice du pouvoir en 1906, de son engagement comme médecin des pauvres à la victoire de 1918 où il s’inscrit à tout jamais dans le roman national, le «Tigre », je l’avoue, est assez exemplaire… [...]
Découvrez la suite de cet entretien dans le numéro d'Actualité Juive de cette semaine !
(1) Pas une goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines, Grasset.