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Deux ans après la fin de la seconde guerre mondiale a lieu en Suisse à Seelisberg la première conférence Judéo-Chrétienne. De cette conférence est issu un texte important qui sera en quelque sorte la pierre angulaire du dialogue entre Juifs et Chrétiens appelé “Les dix points de Seelisberg”.
Jules Isaac, fondateur de l’Amitié Judéo-chrétienne de France, était présent à Seelisberg et ce sont ses travaux qui ont orienté la publication des Dix points.
Ce document est une recommandation : il pose les bases d’un dialogue qui doit être assaini en mettant l’accent sur la lutte contre l’antisémitisme, contre l’enseignement du mépris et pour une restauration des liens tant historiques que théologiques entre Juifs et Chrétiens.
C’est Pierre Visseur, Secrétaire général de l’International Council of Christian and Jews (1), qui a invité Jules Isaac à Seelisberg, en Suisse, pour cette conférence internationale tenue entre le 30 juillet et le 7 août 1947. 70 personnalités y participent : 28 juifs, 23 protestants, 9 catholiques et 2 orthodoxes.
Sur la base des travaux de Jules Isaac, les “Dix points de Seelisberg” vont voir le jour : ils sont inspirés des 18 points issus des 21 propositions, synthèses des 21 chapitres de son ouvrage emblématique Jésus et Israël paru en 1948 mais achevé dès 1946.
Les idées de Jules Isaac, c’est-à-dire remédier par un nouvel enseignement à l’antijudaïsme chrétien, se sont-elles facilement imposées ? Non. Dans le cadre de cette conférence organisée en plusieurs commissions de travail, Jules Isaac a fait partie de la Commission des Églises et de l’enseignement chrétien présidée par le Père Caliste Lopinot, envoyé de Rome.
Les débats furent vifs, le Père Lopinot souhaitait notamment que les choses soient équilibrées et les torts partagés, à savoir que si l’Église reconnaissait les siens à l’égard des Juifs, il fallait aussi que les Juifs reconnaissent les leurs vis-à-vis de l’Église. Mais cette demande était insoutenable au Grand rabbin de Roumanie, Alexandre Safran, lui aussi présent à Seelisberg, dans la mesure où, comme il le soutenait, le judaïsme dans ses enseignements ne parle que du judaïsme, à contrario ceux de l'Église à cette époque qui incluaient les Juifs en les maintenant dans une position coupable de déicide. Point de possibilité ici de dialogue et le Père Caliste finit par quitter son poste de président de la Commission, jugeant le Grand Rabbin Safran trop « obstiné ». (2)
Malgré tout, les propositions de Jules Isaac et d’Alexandre Safran furent tout de même reçues et prises en considération par les participants et la conférence s’est achevée par l’adoption d’une charte en 10 points. Ces "10 commandements" d’un nouvel enseignement chrétien vis-à-vis des Juifs en comprennent cinq qui commencent par « Rappeler » et cinq par « Éviter », soit à peu près la même structure symbolique que celle des Dix commandements reçus par Moïse, cinq positifs, cinq négatifs.
Nous sommes en 1947, et au lieu de proscrire on demande d’éviter, comme en 1965 dans Nostra Aetate on « déplore les haines, les persécutions et les manifestations d’antisémitisme » au lieu de condamner.
On mesure le long chemin parcouru depuis, jusqu’au 1er février dernier où l’Église catholique de France dans sa déclaration « Lutter ensemble contre l’antisémitisme en l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle » a appellé « à guérir » de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme. Et si la route du dialogue fut longue, il n’y eut pas de retour en arrière.
Stéphanie Dassa, Directrice de projets. En charge des activités de la Commission des Relations avec les Chrétiens du Crif
(1) ICCJ (crée en 1931 cette organisation britannique réunissait chrétiens et Juifs, elle existe encore aujourd’hui)
(2) Les réactions des milieux chrétiens face à Jules Isaac. Carol Iancu in Revue d’Histoire de la Shoah 2010 N°192
Texte intégral : https://www.ajcf.fr/5-aout-1947-Les-Dix-Points-de-Seelisberg.html
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