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Mercredi 8 septembre 2021 s'est ouvert le procès des attentats du 13-Novembre dans l'ancien palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité. Un procès hors norme de 145 jours d'audience, 1 800 personnes consitutées parties civiles et au dispositif technique sans précédent.
Après les rescapés et les proches des victimes, la cour d'assises spéciale de Paris a interrogé les complices présumés des attentats, vingt personnes jugées, en commençant par Salah Abdeslam, le seul membre du commando encore en vie.
La cour d’assises spécialement composée a rendu son verdict le 30 juin 2022. Elle a retenu la culpabilité de l’ensemble des accusés et condamné Salah Abdeslam à la réclusion criminelle incompressible, la plus lourde peine prévue par le code pénal.
Le 12 juillet 2022, le procureur général de Paris, Rémy Heitz a déclaré : "Aucun des vingt accusés n'a interjeté appel". "Le procureur national anti-terroriste et le procureur général près la cour d'appel de Paris n'ont pas non plus fait appel de cette décision". La décision de la cour d'assises spéciale de Paris a donc acquis aujourd'hui un caractère définitif.
Fermer les yeux et penser encore et toujours à chacun des 130 destins brisés.
Garder les yeux ouverts et faire face aujourd’hui encore à l'idéologie qui les a assassinés.
Il y a 7 ans, à cette heure, démarrait le périple meurtrier du commando djihadiste du 13 Novembre. pic.twitter.com/NOSvojc7PI
— Yonathan Arfi (@Yonathan_Arfi) November 13, 2022
Par Marc Knobel, Directeur des Etudes du Crif
En cette soirée du 13 novembre 2015, des supporters viennent soutenir leur équipe de football au stade de France, des passants marchent tranquillement dans les rues de Paris, des gens sont attablés dans des restaurants, ils parlent, ils rient, d'autres assistent à un concert. La vie s’égrène ainsi, comme à l’habitude, avec son concert de joie, de rires, de beautés, d’humanité, de divertissement, de plaisirs, d’amitiés, de loisirs. C’est alors que les bruits assourdissants d’explosions se font entendre, des balles crépitent un peu partout, des gens hurlent, les passants courent, des jeunes tombent, des parisiens et des parisiennes sont tués, sont blessés. Au final, le 1er mars 2016, le Ministère de la Santé annoncera que le bilan des attentats est de 130 morts et de 413 blessés hospitalisés, dont 27 toujours prises en charge à cette date par des établissements hospitaliers (1).
Mais, le 14 novembre 2015, le procureur de la République de Paris, François Molins, tient une conférence de presse dans laquelle il livre le déroulé tragique des attentats :
21h20 : Lors du match France-Allemagne au Stade de France, une première explosion retentit rue Jules-Rimet à Saint-Denis, porte D. Deux corps sont retrouvés. Le premier est celui du kamikaze portant un gilet explosif composé de "TATP, de piles, de boulons, et de boutons poussoirs". La seconde victime est un passant qui a été soufflé par l’explosion.
21h25 : Au bar le Carillon et devant le restaurant le Petit Cambodge à l’angle de la rue Alibert et de la rue Bichat, des assaillants font irruption armés de "fusils d’assaut de type kalachnikov." Ils étaient à bord d’un "véhicule noir pouvant être de marque Seat et de type Leon." Sur place, a été découvert une "centaine douilles de calibre 7-62". Le bilan est de 15 décès et de 10 victimes en «urgence absolue.»
21h30 : Près du Stade de France, toujours rue Jules-Rimet, porte H, un kamikaze porteur d’un dispositif «identique à celui du premier kamikaze» fait exploser son gilet, causant sa propre mort.
21h32 : A l’angle de la rue de la Fontaine au Roi et de la rue du Faubourg-du-Temple, au bar la Bonne bière, des assaillants à bord d’un véhicule "de couleur noire et de marque Seat" tuent 5 personnes et en blessent 8 autres. Elles sont toujours dans une "urgence absolue". Là encore, une centaine de douilles de calibre 7-62mm est retrouvé.
21h36 : Au 92, rue Charonne, au restaurant la belle équipe, des "individus à bord là encore d’une Seat de couleur noire" tirent plusieurs rafales causant la mort de 19 personnes. De nouveau, une centaine de douilles de calibre 7-62 est retrouvée.
Et les témoins racontent …
Au Bataclan, le groupe américain "Eagles of Black Metal" jouait devant 1.500 personnes lorsque quatre assaillants font irruption peu après 21h30. Dans la fosse du Bataclan, les spectateurs pris au piège se couchent au sol, feignant d’être morts. "Celui qui bouge, je le tue, tu vas voir toi", lance un assaillant en tirant méthodiquement dans la foule : "J’avais dit de ne pas bouger !" Certains s’amusent avec les otages : "Allez-y, levez-vous, ceux qui veulent partir, partez", lance l’un d’eux. "Bien sûr, tous ceux qui se sont levés se sont fait tirer dessus", raconte un rescapé. "Les terroristes ont recommencé, et d’autres otages se sont levés. De nouveau, ils ont tiré. Ils s’amusaient, ça les faisait rire."
Après les premières salves, les assaillants font une pause. "Il est où le chanteur ? Ils sont où les Ricains ? demandent-ils. C’est un groupe américain, avec les Américains vous bombardez, donc on s’en prend aux Américains et à vous." Divers propos censés justifier le massacre sont rapportés par des survivants : "Vous allez voir ce que ça fait les bombardements en Irak, on fait ce que vous faites en Syrie, écoutez les gens crier, c’est ce que les gens vivent en Syrie sous les bombes, vous tuez nos femmes, nos frères et nos enfants, on fait pareil, on est là pour vous, nous on n’est pas en Syrie mais on agit ici. Vous nous faites ça, on vous fait ça (3)."
"J'étais dans la fosse devant, c'était un concert où la musique était forte, j'ai entendu des pétarades, je me suis retourné, et j'ai vu une silhouette avec une casquette qui se détachait vers la porte du fond, il tirait dans ma direction. Les gens ont commencé à tomber et se jeter au sol. Je pensais que le mec à côté de moi était mort. Je pense que c'est le cas."
Un autre témoin raconte. "J'ai couru, j'ai sauté la barrière et je suis sorti dans le premier mouvement de foule près de la scène. Je suis sorti par la sortie de secours à l'extrémité opposée de la salle. On est réfugiés dans un café barricadé, au premier étage (…) C'est la guerre ici, ça tirait encore tout récemment, on n'entend que les sirènes, on attend pour être évacués dans un café boulevard du calvaire (4)."
Vers 22 heures, la police arrive sur les lieux. Le commissaire D. raconte ses premiers pas dans la salle.
"Nous constations la présence de plusieurs corps sans vie et percevions distinctement des hurlements entrecoupés de détonations multiples. Dans le sas d’entrée, les portes opaques s’ouvraient soudainement par l’effet de nombreuses personnes se précipitant vers nous en hurlant (…). Vu l’urgence de porter assistance aux personnes restées à l’intérieur, nous pénétrions dans la salle illuminée, des spots de scène étant dirigés vers notre position. Plusieurs centaines de personnes étaient couchées au sol, ne nous permettant pas de déterminer si elles étaient vivantes ou mortes (5)."
Au stade de France, 80.000 personnes assistent au match de football France-Allemagne lorsqu'à 21h20, une forte détonation est entendue. "A la première mi-temps, on a entendu deux explosions", témoigne un supporteur allemand. "Tout le monde a pensé que c'était pyrotechnique ou quelques chose comme ça (...) et à ce moment-là, j'avais déjà un peu peur. Les gens avaient peur parce que c'était à Paris." Ce dernier sort dix minutes avant la fin du match, "quand je suis sorti, c'était le chaos absolu. Dans le stade, il n'y avait pas de panique mais à l'extérieur, c'était fou avec les policiers et personne ne savait ce qui se passait (6)."
Devant le restaurant le Petit Cambodge… Salomé Legrand, journaliste à Europe 1, était à proximité de ce lieu visé par les terroristes. Au micro d'Europe 1, un rescapé raconte : "On buvait après le travail, comme tous les vendredis. On est arrivés à 19 heures et une ou deux voitures sont arrivées devant le bar. Ils ont déclenché le feu (...) on s'est tous mis par terre. Un homme à côté de moi, qui s'appelle Raphaël, a reçu une balle dans le cœur." Carla, elle, est en larmes : "Heureusement j'étais derrière un poteau. Mes amis ont été blessés, il y a des morts", explique-t-elle entre de nombreux sanglots (7).
Les victimes
110 Français sont décédés dans les attentats du 13 novembre, dont 4 binationaux (1 Franco-Allemand, 1 Franco-Espagnol, 1 Franco-Portugaise, 1 Franco-Russe). Mais, de nombreuses victimes étrangères sont également à déplorer :
•2 Algériens.
•1 Allemand.
•2 Belges.
•1 Britannique.
•2 Chiliens.
•1 Égyptien.
•1 Espagnol.
•1 Italienne.
•1 Marocain.
•1 Mexicaine.
•1 Mexicaine-Américaine.
•1 Portugais.
•2 Roumains.
•1 Suédoise.
•1 Tunisienne.
•1 Vénézuélien (8).
Le sang, la douleur, l’horreur, le désespoir succèdent au bonheur. Paris est assiégé, Paris est attaqué, Paris est malmené, Paris souffre et pleure, comme en temps de guerre. Des fanatiques endoctrinés, des monstres, des terroristes islamistes viennent de semer la mort et la désolation. Paris est éventré, en l'espace de trois heures. Paris est martyrisé. Mais, Paris ne tombe pas. Paris se relève aussi vite, malgré la douleur. Mais, nous n'oublierons jamais que ce 13 novembre 2015, Paris fut à feu et à sang.
Notes :
Julien Rasplus, "Attentats du 13 novembre : 27 personnes sont toujours hospitalisées", Francetv info, 1er mars 2016.
http://www.liberation.fr/
Simon Piel, Emeline Cazi et Soren Seelow, "Attentats de Paris : l’assaut du Bataclan, raconté heure par heure", Le Monde, 30 décembre 2015.
Patricia Tourancheau, "Attentats terroristes à Paris : récit d'une soirée de terreur", L’Obs, 14 novembre 2015.
Le Monde, op cit.
Europe 1, 14 novembre 2015.
Idem.
https://www.afvt.org/france-
Photo : AFP/Miguel MEDINA
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