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Publié le 9 Février 2018

#Crif - Trois questions à Yuval Rahamim, Directeur du Forum des ONG pour la paix

Yuval Rahamim, Directeur du Forum des ONG israéliennes et israélo-palestiniennes pour la paix, était à Paris la semaine dernière pour inaugurer à la mairie du 3ème arrondissement l'exposition de photos "Activistes de la paix" (jusqu'au 9 février). Gérard Unger, vice-Président du Crif, s'est entretenu avec lui.

Depuis son arrivée, il y a deux ans, Yuval Rahamim - qui avait été auparavant pendant quatre ans président de l’association des familles endeuillées qui regroupe des proches des victimes des deux camps (son père ayant été tué pendant la guerre des six jours) - a changé la stratégie du Forum. Celui-ci regroupe maintenant des ONG israéliennes et des ONG israélo-palestiniennes, qui conservent toutes leur autonomie d’action. Il ne leur impose aucune stratégie et respecte leur diversité qui leur permet d’atteindre toutes les communautés. Le Forum propose ses services à toutes les ONG engagées pour la paix, même celles qui ne contribuent pas activement à son fonctionnement. Son objectif est de leur permettre de mieux se connaître et de développer une collaboration entre elles. Prochainement, le Forum va à son tour devenir une ONG à part entière. Il a beaucoup d’ambition comme celle de développer un site pour présenter l’activité de toutes les ONG et leurs projets. Il veut plus s’ouvrir vers les populations qui, jusqu’à présent, étaient moins impliquées dans les actions pour la paix, comme celles vivant dans la périphérie ou les banlieues, ou celles qui traditionnellement sont classées plus à droite ou qui se sentent moins concernées comme les Arabes d’Israël.

Qu’est ce que le Forum des ONG pour la paix ?

C’est un réseau créé il y a une dizaine d’années par Ron Pundak, un des architectes des accords d’Oslo, regroupant aujourd’hui plus de 120 ONG qui interviennent sur tous les domaines liés à la paix : ceux des droits de l’homme, de l’humanitaire et du médical, de la réconciliation et de la coopération, du juridique et du politique, de l’éducation, des relations judéo-arabes …

En ce qui concerne la participation des Palestiniens, elle n’est pas égalitaire avec celle des Israéliens. Même dans les ONG israélo-palestiniennes qui sont codirigées, ce sont les Israéliens qui sont généralement les initiateurs. Il faut dire que la société civile palestinienne n’est pas aussi forte que la société civile israélienne. La liberté de manifester est plutôt du côté israélien, mais les Palestiniens participent aux actions communes, avec l’appui de l’Autorité Palestinienne qui reçoit les ONG binationales.

Pourquoi la société civile israélienne prend-elle le relai des politiques ?

Les manifestations sociales de l’été 2011, dites « des tentes » (à cause des tentes installées pendant plusieurs semaines au cœur des villes israéliennes, comme le boulevard Rothschild à Tel Aviv) ont montré au public israélien qu’il pouvait avoir une influence sur l’agenda politique. Depuis qu’elles ont compris qu’il n’y avait plus de processus de paix, les ONG pour la paix se sont développées pour remplir le vide causé par la faillite du politique et faire bouger les dirigeants. Des nouveaux mouvements se sont créés comme celui des « Femmes faisant la paix » (« Women Wage Peace ») une ONG créée en 2014 pendant la guerre de Gaza, regroupant des femmes de droite et de gauche, des religieuses et des laïques, des juives et des arabes (y compris palestiniennes), qui n’intervient pas sur le terrain politique mais insiste sur la nécessité d’arriver à un accord qui mettra fin au conflit.

Pour quel résultat ?

La plupart des ONG préfèrent agir dans la sphère civile et sociale, alors que d’autres essaient d’influencer directement les décisionnaires. Je ne vois aucune d’entre elles décider de se transformer en parti politique.

Le sentiment dominant en Israël est que l’on est en conflit permanent. La plupart du public est moins sensible aux questions des droits de l’homme. C’est pour cela que nous disons avec insistance que nous menons notre action avant tout dans l’intérêt de la société israélienne, pour son avenir. Je pense qu’Israël est assez puissant et que sa société est solide et que c’est à nous de faire un effort pour la paix, même si les Palestiniens ne sont pas toujours présents. Nous ne sommes pas les avocats des Palestiniens, mais les avocats de la paix. Nous pensons que ce message, audible par tous, pourra faire changer la politique de notre pays.