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Published on 7 December 2022

Actu - Les 10 ans du Site-mémorial du Camp des Milles en présence d'Emmanuel Macron

Le 5 décembre 2022, le Président de la République Emmanuel Macron, était accueilli au camp des Milles pour le 10ème anniversaire de son Site-mémorial. Une reconnaissance au plus haut niveau de l’Etat, de l’importance historique du camp des Milles, de la responsabilité particulière du régime de Vichy en zone libre, de la démarche d’analyse scientifique et d’alerte démocratique effectuée par la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Education. Et un hommage rendu à Alain Chouraqui, Président de la Fondation, et aux grands anciens du projet de mémorial. Le Président du Crif, Yonathan Arfi, était présent.

« La France a été telle qu’elle ne doit plus jamais être »

Emmanuel Macron, Président de la République

Pour le 10ème anniversaire du Site-mémorial du Camp des Milles

 

Une reconnaissance de l’importance du Camp des Milles dans notre histoire

Dès son arrivée, le Président de la République, accueilli par Alain Chouraqui, s’est rendu au wagon du souvenir, à l’endroit même du départ vers Auschwitz de deux mille hommes, femmes et enfants juifs. La présence du plus haut personnage de l’Etat est une reconnaissance de l’importance de ce camp, un camp en zone dite « libre » sous l’autorité du régime de Pétain qui fit déporter des juifs, étrangers et français, dont des enfants juifs que les nazis ne réclamaient pourtant pas.
Le dépôt de gerbe fut accompagné par deux élèves du Lycée Militaire d’Aix-en-Provence et fut suivi d’un moment de recueillement avec Monsieur Gérald Darmanin, Ministre de l’intérieur et Monsieur Pape N’Diaye, Ministre de l’Education nationale.
Le Président salua ensuite Denise Toros Marter, déportée à Auschwitz à l’âge de 16 ans, Herbert Traube, déporté à 17 ans du Camp des Milles, évadé du convoi qui l’emportait vers la mort et devenu résistant, et Bertrand Manen, fils du Pasteur Henri Manen et d’Alice Manen, Justes parmi les Nations ayant œuvré au camp des Milles.
Puis il emprunta l’Allée des Justes et s’est dirigé, aux côtés d’Alain Chouraqui, vers le bâtiment principal où il a pu découvrir le seul grand camp français d’internement et de déportation encore intact, lieu de souffrances de Vichy qualifié de « Vel d’Hiv du Sud sans occupation allemande » par le Président Hollande lors de sa venue en 2015. La visite de ce bâtiment lui permit en particulier d’entrer dans Die Katakombe, lieu de résistance intellectuelle et artistique des internés, de se rendre à la « fenêtre des suicides » témoin du désespoir de certains d’entre eux, de visiter les expositions de Serge Klarsfeld et de l’OSE sur les enfants déportés et sauvés, ainsi que la salle des peintures murales ironiques laissées par les internés parmi lesquels de nombreux artistes et intellectuels.

Un modèle de mémoire utile au présent, reconnu internationalement

Après l’histoire tragique des lieux, Alain Chouraqui présenta au Président le dispositif pédagogique et citoyen unique au monde au cœur de ce lieu de mémoire, et aujourd’hui reconnu internationalement. Dans son intervention, il précisa que c’est un « modèle » original de construction d’une mémoire référence pour le présent, s’appuyant sur une approche particulière de la Shoah comme paradigme universaliste, confirmé par l’histoire des génocides arménien et rwandais, pourtant sur des continents et avec des peuples différents. Ce rapport particulier du passé au présent veut être un trait d’union vers un monde meilleur parce que mieux éclairé par le décryptage rigoureux de l’expérience humaine ». Sur cette base, Alain Chouraqui alerta sur le fait que l’engrenage pouvant mener au pire était hélas bien engagé en France aujourd’hui en constatant à nouveau des pertes de repères collectifs, des attaques contre les institutions et les élites, des crispations identitaires, une montée des violences antisémites et des intolérances en général, un creusement des inégalités... Il appela alors, « au-delà du devoir ou du travail de mémoire, à un véritable courage de mémoire… Prévenir aujourd’hui la récurrence du mal, par la transmission, l’alerte et l’engagement, c’est cela le courage de mémoire ».
Au cours de cette visite, des jeunes gens d’horizons très divers (Écoles de la 2ème Chance, jeunes en Service civique, jeunes du Service National Universel, jeunes des quartiers prioritaires de Toulouse…) ont pu échanger avec le Président de la République ainsi que leurs éducateurs expliquant comment le Site-Mémorial devient porteur de repères pour beaucoup de jeunes en difficulté mais aussi pour eux-mêmes.

« La France a été telle qu’elle ne doit plus jamais être »

Plus de 400 invités, hautes personnalités civiles, religieuses et militaires, parmi lesquelles les présidents du Crif, du consistoire central, de l’OSE, de Yad Vashem France mais aussi des délégations étrangères comme l’ambassadrice d’Israël ou la Consule générale d’Allemagne, ainsi que de nombreux citoyens et représentants d’associations, ont pu alors écouter le discours du Président qui déclara avec force : « Le régime du maréchal Pétain administrait alors en son nom une zone dite libre. Cette France était exempte du joug des nazis. Ces derniers, parmi leurs requêtes, n'avaient pas exigé que les enfants soient inclus dans ces rafles. Pierre Laval en avait seul pris l'initiative. Les juifs déportés par la police, obéissant à ses ordres, furent les victimes d'un régime forgé par l'antisémitisme. Oui, ces juifs furent les victimes délibérées de l'État français. Au camp des Milles, la France aux mains de Pétain et Laval, s’est de nouveau perdue. Elle a raturé les principes de 1789. Si la République a été brisée à Bordeaux, en forêt de Compiègne, à Montoire, c'est au Milles qu'elle connut, comme au Vel d'Hiv, l'un de ses plus complets parjures. »
Et de compléter : « Et là, ce passé advenu permet aussi d'éclairer notre avenir, car il ne tient qu'à nous de résister à ceux qui falsifient l’'histoire, feignent d'adopter la République tout en trahissant ses valeurs. Ici, aux Milles, La France a été telle qu'elle ne doit plus jamais être. Et si nous sommes ici, 80 ans après la déportation des juifs du camp des Milles, c'est pour dire que notre nation doit être la voix de l'humanisme, de l'Etat de droit, du refus de la haine. »

L’appel des grands anciens du mémorial toujours d’actualité alertant sur le danger des extrémismes pour la démocratie

Auparavant, Alain Chouraqui avait mis au centre de son intervention des extraits de « l’Appel des Grands anciens » du Mémorial du Camp des Milles, appel lancé il y a quelques années mais toujours d’actualité :
« Nous, anciens résistants et déportés, nous avons appris durement à reconnaître les visages et les masques de l’exclusion et de la haine. Comme nous reconnaissons les petits calculs ou les aveuglements qui permettent le pire. Aujourd'hui malheureusement, par-delà les mots et les faux semblants, nous les reconnaissons dans notre pays.
Nous avons connu, subi et combattu le régime de Vichy et sa politique d’extrême droite, autoritaire, nationaliste, xénophobe et antisémite, Nous connaissons la dynamique meurtrière de l’intolérance et de l’exclusion au pouvoir. Elle enclenche des engrenages d’actions/réactions qui peuvent conduire à des violences extrêmes. Elle échappe ainsi souvent à ceux mêmes qui l’ont initiée.  
Pour notre pays, pour les valeurs de la République, pour nos enfants et petits-enfants, ce risque mortel ne peut pas être pris. »

Un hommage aux grands anciens et au travail de développement du Site-mémorial depuis 10 ans

Le President rappela qu’il aura fallu 30 années pour que le Site-mémorial du Camp des Milles soit possible et qu’il puisse trouver sa place dans l’histoire de la France et de l’Europe. Un long combat pour la mémoire, mené par des hommes et des femmes, anciens déportés et résistants qui ne pouvaient se résigner au recommencement de ce qu’ils ont vu, subi, traversé et combattu, et qui souhaitaient que leur passé éclaire le présent.
Parmi eux, les trois grands anciens dont l’appel a été lu. Ceux-ci ont été honorés par le dévoilement de 3 plaques à leurs noms pour dénommer trois bâtiments de formation du mémorial. Trois jeunes enfants dont l’arrière-petite-fille et l’arrière-petit-fils de deux d’entre eux ont lu leurs biographies. Ce fut un temps de transmission d’une mémoire douloureuse mais aussi porteuse d’espoir : car l’histoire montre aussi que les résistances aux engrenages mortifères sont possibles et souvent efficaces, ancrés dans la conscience morale de chacun. Cet hommage en présence du Président est une reconnaissance de leurs vies de combats mais aussi de leur ferme soutien au travail mémoriel et éducatif mené longtemps par eux aux côtés d’Alain Chouraqui, et des équipes successives de la Fondation. Pour l’émergence et le développement de ce lieu d’éducation citoyenne qu’Elie Wiesel qualifia « de lieu important, très important pour les siècles à venir ».
Dans le cadre de cette « journée évènement », le Président de la République a remis la Légion d’honneur à Alain Chouraqui pour le travail scientifique, éducatif et citoyen réalisé au Site-mémorial. « Dans notre époque ou la brutalité, la violence et la haine ne désarment jamais, nous avons besoin des engagés qui les repoussent dans les esprits avec les instruments de la raison et de la transmission. Cher Alain Chouraqui, vous êtes l'un de ceux-là … Intransigeant et lucide… Une sentinelle, un combattant, à l'heure où ces mots de démocratie, de République, de droits de l'homme et du citoyen sont contestés par les uns, et dont les autres oublient en quelque sorte les combats qu'ils présupposent et la conscience qu'ils exigent. » déclara alors Emmanuel Macron.

Cet anniversaire s’est clôturé par un autre moment de grande émotion avec la voix de Barbara Hendricks interprétant le Kaddish de Ravel et « We shall Overcome » sous un ciel bleu étoilé figuré pour cette occasion. En hommage aux victimes. Pour ne pas oublier que l’horreur fut et ne doit plus être.

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