- English
- Français
Publié le 19 mai dans Le Monde
Dans la matinée du lundi 18 mai, le président du conseil italien, Giuseppe Conte, s’est offert une petite promenade dans le centre de Rome à l’heure de l’ouverture des magasins. Il a déambulé quelque temps dans ces ruelles désertes, s’arrêtant de loin en loin pour discuter avec quelques commerçants, avant de regagner le palais Chigi, siège de la présidence du conseil, tandis qu’autour de lui les terrasses de café, débarrassées de la moitié de leurs tables, se remplissaient doucement de leurs premiers clients depuis plus de deux mois.
Pour toute l’Italie, la journée de lundi devait être celle du véritable redémarrage. Deux semaines après le début de la « phase 2 » de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19, qui a vu la reprise de toutes les activités industrielles, il s’agissait cette fois de rouvrir les commerces de détail et, enfin, une autocertification n’était plus nécessaire pour sortir de chez soi, même si les contrôles s’étaient considérablement assouplis depuis le début du mois.
Mais, si le gouvernement craignait une ruée devant les magasins et un relâchement de la discipline incompatible avec les règles de distanciation physique ressassées depuis le début de la crise, rien de tel n’a été constaté.
Partout dans le pays, le retour à la normale s’est opéré avec d’infinies précautions, sur la pointe des pieds, tandis que de nombreux commerces – 3 sur 10 selon les premières estimations –, craignant de perdre davantage en reprenant l’activité qu’en restant fermés ou s’estimant incapables de s’adapter aux nouvelles règles, choisissaient de garder le rideau baissé.
Les propriétaires de café et restaurant ont obtenu gain de cause. Eux qui, selon les arbitrages gouvernementaux annoncés le 26 avril, auraient dû attendre le 1er juin avant de pouvoir reprendre leur activité ont finalement été autorisés à repartir, tout comme les barbiers, les salons de coiffure et les lieux de culte, qui pourront tenir des offices, moyennant le respect des normes de distanciation physique. Pour le président du conseil, « les efforts collectifs ont produit des résultats », et ces réouvertures correspondent à « un risque calculé ».
Avec 451 nouveaux cas répertoriés, la décrue semble même s’être accélérée ces derniers jours
Sur le plan sanitaire, les dernières données sont en effet encourageantes. Lundi soir, le bilan quotidien de la protection civile italienne faisait état de 99 morts supplémentaires, soit le chiffre le plus faible depuis la mise en place du confinement national. Dans le même temps, la situation continue à s’améliorer sur le front hospitalier. Avec moins de 11 000 personnes hospitalisées contre 33 000 au plus fort de la crise, et surtout 749 patients en soins intensifs (ils étaient plus de 4 000 début avril), la décrue est continue. Mais la courbe regardée avec le plus d’attention par le gouvernement est celle des nouveaux cas. Après deux semaines de levée progressive des restrictions, celle-ci ne montre, pour l’heure, aucun signe de « deuxième vague ».
Lundi, quatre régions (la Sardaigne, la Calabre, la Basilicate et l’Ombrie) ne déploraient aucun nouveau cas, il en allait de même de 43 des 110 provinces du pays. Avec 451 nouveaux cas répertoriés, la décrue semble même s’être accélérée ces derniers jours, alors même que l’effort de détection ne cesse de s’accentuer – plus de 60 000 tests sont réalisés en moyenne chaque jour, au niveau national.
L’accélération du déconfinement décidée par le gouvernement s’appuie donc sur des résultats très encourageants sur le plan sanitaire. Elle s’explique également par plusieurs semaines de tractations émaillées d’annonces contradictoires, qui ont culminé durant les derniers jours, par un affrontement ouvert entre les régions, désireuses d’accélérer le mouvement, et le gouvernement central, partisan de la prudence et désireux d’attendre les données épidémiologiques des prochains jours. Cette confrontation ne s’est dénouée que dans la journée de dimanche.
Le gouvernement ne semble pas avoir perdu l’espoir de sauver au moins une partie de la saison touristique
Curieusement, alors que la situation est plus favorable dans le sud de la péninsule depuis plusieurs semaines, ce sont les régions du Nord qui ont manifesté le plus d’impatience. En premier lieu la Vénétie, où le gouverneur, Luca Zaia (Ligue, extrême droite), auréolé de sa gestion jugée exemplaire de la crise, réclame d’avoir les coudées franches pour la suite des opérations. « Vue de Rome, l’autonomie est une perte de pouvoir. Pour nous, c’est un plus de responsabilité », a-t-il réaffirmé au Corriere della sera, avant d’annoncer un accord avec deux régions mitoyennes de la Vénétie (Emilie-Romagne et Frioul-Vénétie julienne) et la province de Trente pour permettre de nouveau la circulation d’une région à l’autre, que le gouvernement voudrait interdire jusqu’au 3 juin. A compter de cette date, et si d’ici là aucune « deuxième vague » ne s’est profilée, les dernières limitations aux déplacements devraient cesser. Seules les salles de spectacle et les cinémas devront patienter encore, jusqu’à la mi-juin.
Le gouvernement ne semble pas avoir perdu l’espoir de sauver au moins une partie de la saison touristique : le 3 juin, selon Giuseppe Conte, l’Italie devrait pouvoir ouvrir à nouveau ses frontières. Cela suppose, cependant, que les pays voisins jouent le jeu et acceptent la réciproque, en dépit des risques de redémarrage de l’épidémie.