Jean-Pierre Allali
Pour que le jour de votre mort soit le plus beau de votre vie, par Lionel Abbo*
Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! Le premier roman de Lionel Abbo est incontestablement une réussite. Dans le genre qu’il a choisi de nous proposer : l’humour. Et plus particulièrement l’humour noir. Noir comme le dernier mot de ce récit pour le moins étonnant.
C’est l’histoire d’Adolphe Goldstein, « fils unique de parents juifs ashkénazes cachés par une famille corse durant la Seconde Guerre mondiale ». Adolphe, un drôle de prénom pour un Juif ! Adolphe, trente-neuf ans et toutes ses dents pour mordre avec avidité dans la vie. Et se lancer dans une activité professionnelle réussie. Pour cela, il faut viser les nouveaux marchés. Et, en ces temps pour le moins troublés, quel meilleur vecteur que la mort, les pompes funèbres ! « Mon commerce a de l’avenir : mon créneau, c’est la mort ».
Et il ne s’agit pas de monter une nouvelle entreprise traditionnelle de pompes funèbres. Loin de là ! Adolphe Goldstein va lancer « Death Planner ». Il s’agit de permettre à chacun de choisir sa mort selon ses goûts, ses phantasmes, ses désirs. Bien entendu, on est là dans la plus parfaite illégalité et il convient de garder le secret sur les méthodes peu orthodoxes utilisées par ce croque-mort hors du commun. Même Éva, sa compagne, comédienne en pleine ascension, ne sera pas, pendant longtemps, tenue au courant. La devise de l’entreprise « Death Planner » est alléchante : « Faites de vos funérailles le bouquet final de votre vie ». Ou encore : « Offrez au défunt un cercueil qui lui ressemble ». Et, plus tard, ce raffinement macabre dans la publicité : « Pour une disparition achetée, la seconde est offerte ».
Au fil des pages, les récits se font de plus en plus hallucinants. Du cadavre dont les cendres sont transformées en diamant et envoyées en orbite autour de la terre au cas d’un végétarien désireux d’être mangé vivant par un cannibale en passant par les paris sur les décès à venir de célébrités ou une émission morbide de téléréalité, c’est un florilège d’idées aussi farfelues que séduisantes.
Le vendredi soir, comme si de rien n’était, le couple passe le chabbat en famille pour déguster le traditionnel cholent. La sérénité du moment est rompue lorsque Élie, le père d’Adolphe, lance la conversation sur le nouveau métier de son fils. Patatras ! « Vivre avec les morts, c’est un métier impur. Ce n’est pas fait pour un Juif ».
Pour les vacances, quoi de mieux qu’Israël ? Mais pas facile de passer les contrôles policiers à Tel Aviv quand on se prénomme Alfred ! Un petit séjour dans la yeshiva d’un ami d’enfance compensera rapidement ces désagréments.
À découvrir sans tarder. Absolument original.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Plon. Avril 2019. 172 pages, 17 €.